L’édito de Michel Le Bris

Caraïbes

Du 29 au 31 mai 2004

11 juillet 2011.
 

2004, bicentenaire de l’indépendance d’Haïti. L’année où jamais, nous semble-t-il, pour célébrer l’extraordinaire richesse des littératures des Caraïbes.

affiche du festival 2004

À quoi tient l’extraordinaire richesse des littératures caribéennes ? À l’immensité de la douleur qu’elles prennent en charge, et transcendent. D’être au carrefour de l’Ancien et du Nouveau Monde, de s’exprimer en plusieurs langues, de se nourrir du télescopage de cultures du monde entier, ou presque, a donné à ces littératures leur force singulière, de conjuguer l’extrême singularité et l’universalité la plus incontestable. Mais prenons garde, lorsque nous vantons la richesse du « Métissage culturel » qu’il ne s’agit jamais, là où il produit des œuvres fortes, d’une promenade touristique, d’un simple « choix de vie » mais d’une souffrance immense, si indicible que seuls, le chant, la musique, la littérature, l’art, enfin, pouvaient la porter. Ces littératures sont nées de l’enfer, d’un enfer de chaînes, de fouets, de lynchages, de viols, d’un « nuit et brouillard » de plusieurs siècles - et lors même qu’elle est joyeuse, euphorique, rayonnante, c’est toujours sur ce fond de douleur.
Et cette douleur est au travail à l’intérieur même de la langue : non pas simplement l’adjonction de mots savoureux, mais un combat, et un incessant débat. À travers lesquels des voix singulières tentent d’affirmer leur radicale étrangeté, l’hétérogénéité des cultures qu’elles habitent, la prégnance de l’oralité, la force des rythmes. Rien « d’exotique » pourtant, à y regarder de plus près, mais là encore, et il sera passionnant d’en débattre au fil de ces journées, des manières singulières de nous reconduire à l’énigme même de la langue, et au rapport complexe qu’entretient tout écrivain avec la langue - à l’essence même de la littérature.