Vaudou et Harlem Renaissance

30 mars 2010.
 
L’orchestre de Duke Ellington, à l’époque du style Jungle. Franck Driggs coll.

Harlem : dans les années 1920-1930, le cœur de l’Amérique noire. Le théâtre d’une effervescence artistique et intellectuelle sans précédent, mêlant dans la même frénésie musique, poésie, roman, théâtre, danse, sport, philosophie, politique, sciences sociales — pour une prise de parole, et une prise de conscience qui vont marquer l’Amérique jusqu’à aujourd’hui, et au-delà.
Duke Ellington et Cab Calloway donnent le tempo au Cotton Club, mais aussi Joséphine Baker dans ses extravagants nuages de plume et Paul Robeson sur la scène de l’Opéra, et puis Langston Hughes, Claude McKay, Countee Cullen, Rudolph Fisher, James Weldon Johnson, Jean Toomer, Zora Neale Hurston, la vraie naissance de la littérature négro-américaine, qu’avait préparée W.E.B. Du Bois dans sa revue Crisis dès 1910 et dans son essai The Souls of Black Folks en 1903 (« Américain et noir : deux âmes, deux pensées, deux élans contradictoires, deux idéaux en guerre dans un seul corps noir ») rejoint par le philosophe noir Alain Locke (The New Negro, 1923) tandis que Marcus Mosiah Garvey né en 1887 en Jamaïque et arrivé à Harlem en 1916 se fait l’avocat d’un « Back-to-Africa Movement, » fonde « l’Universal Negro Improvement Association. »

Et tandis que l’Amérique blanche occupait Haïti, et multipliait romans, récits de voyages, témoignages effrayants, films d’épouvante sur le Vaudou haïtien, les acteurs de cette « Harlem Renaissance », eux, se tournaient vers Haïti et le Vaudou comme un foyer d’inspiration.
Langston Hughes, avec Mercer Cook, traduit Gouverneur de la Rosée de Jacques Roumain, Clarence Cameron White compose Wanga, un opéra dont le livret est basé sur le Vaudou, William Grant Still compose Troubled Island (en réplique à Magic Island de Seabrook ?) sur la guerre de libération et Toussaint Louverture, écrit un air de concert Héla Grand Père, fidèle adaptation de la prière qui ouvre les cérémonies Rada, Zora Neale Hurston, peut-être la plus grande figure littéraire de l’époque, fait des recherches ethnographiques en Haïti dans les années 30 et brosse dans Tell my Horse, en 1938, un magnifique tableau du Vaudou haïtien, bien loin des délires de Kirkus dans Le roi blanc de la Gonave.
Le Vaudou, au cœur de la « Harlem renaissance » tandis que l’Amérique blanche, en Haïti, s’acharnait à le détruire…