CENDREY Jean-Yves

8 avril 2010.
 

Biographie

© B.Charoy

Écrivain du genre cogneur, à la plume énergique croisant le trivial comme le lyrique, Jean-Yves Cendrey décrit l’absurdité comique de la vie matérielle dans une époque "de trop vaines complications".
Petit, délinquant révolté, « écorché vif », Jean-Yves Cendrey s’inscrit en fac de Lettres à Poitiers puis en Histoire de l’art à Bordeaux, mais il préfère consacrer l’essentiel de son temps à vagabonder, en particulier dans le Sud de l’Europe. À l’âge de 28 ans, il découvre le premier livre d’une lycéenne timide et surdouée, Marie Ndiaye Quant au riche avenir. Il lui écrit, elle lui répond, ils correspondent, se rencontrent, s’aiment et se marient. « Elle était une reine dans son château. J’étais un chemineau, un indigent de l’écriture. » Selon lui, elle l’apaise, canalise sa révolte dans l’écriture. Il écrit son premier livre à 31 ans, elle donne naissance à un premier enfant, puis un deuxième, un troisième. Loin du buzz médiatique, le couple mène une existence tranquille et nomade, ils s’installent à la Rochelle, puis à Paris, à Barcelone, à Rome et Berlin.
De retour en France en 1994, la famille vit en Normandie, à Cormeilles, un bourg du bocage augeron destiné à devenir tristement célèbre pour une affaire de pédophilie qui amènera l’auteur à écrire Les Jouets vivants, (Éditions de l’Olivier, 2005). Suivent d’autres migrations, Marie-Galante et la Gironde.
À la suite de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence, il quitte la France et s’installe à Berlin avec son épouse et leurs trois enfants.
Il a écrit pour le théâtre, la radio, le cinéma, et a publié, depuis 1988, une quinzaine d’ouvrages, pour l’essentiel parus aux éditions P.O.L puis aux éditions de l’Olivier. Son dernier roman, Honecker 21, prend ancrage à Berlin justement : de l’humour noir pour suivre la cavalcade d’un homme "ordinaire".


Bibliographie :

Romans


Présentation de Honecker 21

spip_logo Honecker 21, ou les vingt chapitres de la vie d’un Berlinois
moyen. Homme ordinaire, il souffre de maux qu’il juge
extraordinaires parce qu’il les croit uniquement les siens. Ce
sont en fait les maux communs de notre florissante société,
entre bureaucratie folle et libéralisme ricaneur, tyrannie
patronale et laxisme sentimental, course au confort, égarements
financiers, et bien sûr passages répétés par ces guichets
de l’humiliation que sont les comptoirs des services
après-vente… Charlot malheureux, jaloux, malveillant à l’occasion,
Matthias Honecker fait sourire, et même rire, parce
qu’il n’est que ce qu’il est : notre semblable, notre frère, qui
nous donne de nos nouvelles ici et maintenant.
Berlin, première décennie du troisième millénaire de notre ère,
quelques jours avant le passage à une quelconque année suivante. Matthias Honecker est las, et d’ailleurs rien ne va : les voitures font
des caprices, les machines à café dysfonctionnent aussi, les couronnes
dentaires désertent la mâchoire sans prévenir. Pourtant Honecker, cadre supérieur dans une florissante entreprise
de téléphonie mobile fait plus que correctement bouillir la
marmite du couple branché qu’il forme avec Turid, une intellectuelle
interdisciplinaire et arty qui lui a, l’année précédente, fait la
bonne surprise de lui annoncer comme un cadeau qu’il allait être
père. A présent l’enfant est là et Turid n’est plus que l’ombre d’elle même.
Crise conjugale, premières affres de la maturité, sursaut vital ?
Honecker aspire à un changement, à de « l’intensité », et ce désir,
nouveau pour lui, le prend au dépourvu d’autant que les symptômes
de la mutation qui semble vouloir s’opérer en lui sont plus
qu’étranges : lui-même s’étonne en effet de convoiter désormais
des femmes sourdes et muettes aux chairs flasques mais qui réveillent
sa libido comme jamais, de vouloir quitter sur un coup de tête
le quartier berlinois tout ce qu’il y a de « tendance » où il vit pour
faire emménager sa petite famille dans un appartement sis dans le
navire de béton conçu par un célèbre architecte du siècle précédent
afin de jouir des bienfaits de la vue-imprenable-sur-Berlin
comme de roboratives promenades dominicales sur les deux « 
montagnes » artificielles locales dont l’une est entièrement constituée
des décombres issus de la destruction de Berlin après la
guerre …
« Si je range l’impossible salut au magasin des accessoires, que
reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut
tous et que vaut n’importe qui » écrivait Sartre à la fin de son autobiographie,
Les Mots, dans une phrase conclusive et à juste titre restée
célèbre. Matthias Honecker est cet homme, aujourd’hui, qui
nous donne de nos nouvelles depuis l’un des centres géométriques
de la vieille Europe : il porte le numéro 21, son matricule, comme
« Le Prisonnier » de l’antique série américaine. Son patronyme,
Honecker, recèle le très déplorable fantôme d’une Histoire qui,
pour avoir été cauchemardesque, semble a posteriori avoir au
moins le mérite d’avoir existé, tant le héros de Jean-Yves Cendrey
peine, quant à lui, à identifier dans les temps désorientés qui sont
les siens ne serait-ce que le commencement d’un nouvel épisode
susceptible de conférer un peu de sens au devenir de l’humanité…