Les Campagnes Antisuperstitieuses

6 mai 2010.
 

Les Chefs de l’Église catholique avaient déjà dénoncé le Vaudou, notamment dans des Lettres pastorales de 1896, et de 1913. Mais c’est la Campagne antisuperstitieuse lancée dans les années 1940 qui a sans conteste laissé le plus de traces.

Au départ, un constat de Monseigneur Robert, évêque à Gonaïves : dans la paroisse de Saint Michel de l’Attalaye, entre 1928 et 1937, 28.000 personnes ont fait leur première communion alors que le nombre de pratiquants en 1937, est seulement de 23.000. La pratique du Vaudou, en est sûrement une des causes de cette désaffection. En 1939, l’évêque décide d’entreprendre un travail de purification de la pratique religieuse, en même temps, qu’il lance une étude sur la pratique du vaudou par les catholiques.
Or, dans les années 1935 – 1938, deux laïcs haïtiens, catéchistes dans des chapelles catholiques (région de Mirebalais et Hinche), avaient lancé de leur propre initiative une campagne demandant aux catholiques de renoncer par serment au Vaudou. Par là, ils voulaient lutter contre l’influence des Protestants qui n’acceptaient pas de « mélange » dans leur pratique religieuse : en se convertissant ils abandonnaient définitivement le vaudou. Ces campagnes furent d’abord reprises par les curés de Hinche et de St Michel de L’Atalaye, puis en 1941 généralisées à tout le diocèse par Mgr Robert, avec obligation du serment antisuperstitieux pour toute personne voulant recevoir les sacrements.

Eddy Jacques, Les Campagnes Antisuperstitieuses
Huile sur Toile
70,2 x 60,9 cm, 1995 Fowler Museum

Les fidèles par milliers prononcèrent ce serment, le considérant comme une libération, tant ils se sentaient esclaves du vaudou par les obligations qu’il imposait et, surtout, par les dures exigences de certains bocors (prêtres vaudou) qui profitaient de leur pouvoir pour s’enrichir et s’imposer à leurs fidèles dans tous les domaines.
Ce travail a été plus ou moins suivi dans d’autres diocèses d’Haïti, jusqu’en 1962. À cette date, le Dictateur François Duvalier, grand adepte du Vaudou et qui s’appuyait beaucoup sur ce culte pour tenir en main le peuple haïtien, expulsa une vingtaine de prêtres de Saint-Jacques, notamment les plus engagés dans cette pastorale de purification de la foi. Ainsi, Duvalier a-t-il libéré ses compatriotes de toute contrainte religieuse et redonné aux Bocors les pouvoirs qu’ils avaient en partie perdus.
Depuis, la connaissance des cultures s’est beaucoup développée. Leur place dans la vie des peuples est davantage respectée. En Haïti la religion catholique en a bien conscience, tout en reconnaissant qu’un travail d’éducation de la foi est nécessaire pour que des éléments culturels s’intègrent à sa pratique. On parle « d’évangélisation de la culture ».

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Pour l’amour des livres

Grasset - 2019

« Nous naissons, nous grandissons, le plus souvent sans même en prendre la mesure, dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. Sans eux, sans leur musique en nous pour nous guider, nous resterions tels des enfants perdus dans les forêts obscures. N’étaient-ils pas déjà là qui nous attendaient, jalons laissés par d’autres en chemin, dessinant peu à peu un visage à l’inconnu du monde, jusqu’à le rendre habitable  ? Ils nous sont, si l’on y réfléchit, notre première et notre véritable demeure. Notre miroir, aussi. Car dans le foisonnement de ces histoires, il en est une, à nous seuls destinée, de cela, nous serions prêt à en jurer dans l’instant où nous nous y sommes reconnus – et c’était comme si, par privilège, s’ouvrait alors la porte des merveilles.

Pour moi, ce fut la Guerre du feu, « roman des âges farouches  » aujourd’hui quelque peu oublié. En récompense de mon examen réussi d’entrée en sixième ma mère m’avait promis un livre. Que nous étions allés choisir solennellement à Morlaix. Pourquoi celui-là  ? La couverture en était plutôt laide, qui montrait un homme aux traits simiesques fuyant, une torche à la main. Mais dès la première page tournée… Je fus comme foudroyé. Un monde s’ouvrait devant moi…

Mon enfance fut pauvre et solitaire entre deux hameaux du Finistère, même si ma mère sut faire de notre maison sans eau ni électricité un paradis, à force de tendresse et de travail. J’y ai découvert la puissance de libération des livres, par la grâce d’une rencontre miraculeuse avec un instituteur, engagé, sensible, qui m’ouvrit sans retenue sa bibliothèque.

J’ai voulu ce livre comme un acte de remerciement. Pour dire simplement ce que je dois au livre. Ce que, tous, nous devons au livre. Plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde, au temps chaque jour un peu plus refusé, à l’oubli de soi, et des autres. Pour le plus précieux des messages, dans le temps silencieux de la lecture  : qu’il est en chacun de nous un royaume, une dimension d’éternité, qui nous fait humains et libres. »