La Cité des Songes

2 avril 2010.

Fiona ROUSSET, en 4ème au collège le Bérange, Baillargues (34), classée 4ème de l’académie de Montpellier

 

La Cité des Songes

Victor était chasseur de rêves.
C’était un métier qui demandait beaucoup d’agilité, pour bondir de toit en toit, beaucoup de dextérité, pour manier le filet à rêves, beaucoup de courage, pour sortir seul la nuit et beaucoup d’imagination, pour effectuer un tri entre beaux rêves et rêves anodins, tout en évitant les cauchemars dangereux et les hallucinations inutiles.
Agilité, dextérité, courage et imagination.
Victor était agile, dextre, courageux et avait toujours fait preuve d’imagination. C’est d’ailleurs cette imagination qui lui avait permis, lorsque ses parents étaient morts, de ne pas se retrouver enfermé à l’orphelinat mais d’être embauché par monsieur Paul.
Mystérieux et inquiétant monsieur Paul.
Victor ignorait ce qu’il fabriquait avec les rêves qu’il lui achetait, pas très cher d’ailleurs, mais cela n’avait pas vraiment d’importance. La seule chose qui comptait pour Victor, c’était de voir les songes se glisser à l’extérieur des maisons par les interstices entre les tuiles des toits, se déployer en fines volutes colorées, onduler un instant comme s’ils cherchaient leur route puis filer vers les étoiles.
Sauf s’il se montrait assez rapide.
S’il se montrait assez rapide et abattait son filet avec suffisamment de précision, le rêve finissait dans sa besace.
Une nuit de printemps, alors qu’il n’avait capturé qu’un petit rêve bleu et cherchait quelque chose de plus consistant à attraper, Victor aperçut une silhouette adossée à une cheminée.
Elle regardait le ciel et ne parut pas surprise lorsqu’il s’assit à ses côtés.
« Tu t’appelles comment ? »

« … »
« Comment t’appelles-tu ? » dit-il avec un peu plus d’insistance.
« … »
Victor put apercevoir un visage, c’était une jeune fille. Elle avait des yeux bleus, mais son regard paraissait craintif, rempli de peur et de désespoir.. Ses cheveux, eux, était d’un roux flamboyant.. Sont visage lui parut familier, comme s’il l’avait déjà aperçu. Il la regarda pendant un long moment, il était comme envoûté par un tel regard mais la jeune fille se leva sans dire un mot et partit en sautant de toit en toit dans la nuit sombre.. L’idée de la rattraper lui traversa l’esprit, mais la jeune fille était déjà trop loin..
Victor reprit donc sa quête de nouveaux rêves. Ce métier lui plaisait beaucoup. Il lui avait fait découvrir une autre facette de ce monde qui lui paraissait parfois si monotone et si prévisible.
Le soleil allait bientôt se lever, les rêves s’effaçaient peu à peu. Une nouvelle journée allait commencer pour des milliards de personnes..

Victor quant à lui, rentra chez lui. Voila six ans que ses parents sont morts, six ans que toutes les nuits il part à la recherche de nouveaux rêves, six ans qu’il travaille pour monsieur Paul, Monsieur Paul sans qui Victor à onze ans, seul et sans famille, aurait été sans doute perdu et sans avenir, six ans qu’il vivait avec lui.
Victor était enfin arrivé à destination, ils vivaient tous deux dans un immense manoir sinistre et inquiétant.. Les pièces étaient sombres, sans couleurs, comme si il n’y avait aucune vie. Cette maison n’avait pas d’âme.
Victor se dirigea vers le bureau de Mr Paul pour lui déposer les quelques rêves qu’il avait recueillis cette nuit. Mr Paul n’ était pas là, Victor eut la curiosité d’en savoir un peu plus sur tous ces rêves qu’il ramenait. Il aperçut un grand livre, magnifiquement orné d’or sur toute la couverture. Il s’approcha pour lire le titre, mais un bruit de pas l’interrompit, Mr Paul venait de pénétrer dans la pièce.

« Que fais-tu là ? » dit-il.
« Je viens vous déposer les rêves de cette nuit. »
« Très bien, va dormir à présent. »

Victor s’exécuta et partit se coucher après cette longue nuit.
Vers 19h30 un bruit sourd le réveilla, cela venait du bureau de Mr Paul. Il se leva et s’y dirigea.
Arrivé devant la porte, le bruit s’intensifia. Il tourna doucement la poignée, entra discrètement, la pièce était vide. Une lumière éblouissante jaillissait d’un livre. Il s’approcha lentement, c’était le livre doré qu’il avait aperçu le matin même. Il put cette fois-ci lire le titre “La Cité des Songes”, il l’entrouvrit et fut absorbé par une énergie à la fois mirifique et inquiétante. Il se retrouva soudainement transporté en terre inconnue. Victor reprit ses esprits, et se rendit compte de la splendeur du paysage qui s’étendait devant lui. Les arbres n’étaient pas comme dans son monde, ils étaient bien plus grands, majestueux et si verts. Ici, aucun bâtiment ne venait gâcher les merveilleuses prairies. Non, à la place, on pouvait trouver des champs de fleurs de couleurs invraisemblables, ainsi que des ruisseaux d’un bleu turquoise, ruisselant à perte de vue.
Le ciel quant à lui, était semblable à un arc en ciel dont les nuages étaient composés d’animaux de contes de fées. Il décida d’aller explorer ce monde inconnu à la recherche d’une quelconque civilisation. Le chemin que Victor décida de prendre était bordé de galets lui indiquant la direction à suivre. Mais une chose le préoccupait, comment avait il pu atterrir ici, et pourquoi ? Après quelques heures de marche, il arriva dans un village, enfin, ce qu’il pensait être un village. Les habitants étaient des êtres étranges aux corps humains et à têtes difformes, ne ressemblant en rien à ceux de son monde. Au loin, sur une colline, on pouvait apercevoir une tour ornée de ronces, il s’en approcha. Arrivé devant, il entendit des cris. Une personne était enfermée et essayait d’en sortir.
« Qui êtes vous ? » demanda Victor.
« Je m’appelle Alya, j’ai été capturée par Paul qui veut m’épouser de force et rester dans ce monde. »
« Mais dans quel monde sommes nous ? »
« Nous sommes dans l’univers de Paul, qu’il a créé en volant les rêves des mortels. Car lui, n’a jamais su rêver. »
« Comment puis-je te venir en aide ? »
« Trouve Paul et prends lui la clé ! »
« Mais où puis-je le trouver ? »
« Va au village, demander à la fée Vickyne. Elle seule pourra t’aider. »

Il partit donc à la recherche de la maison de l’enchanteresse. En chemin, il fit la rencontre d’une vieille dame qui lui indiqua la route :

« La fée demeure dans la forêt aux mille couleurs, sa maison est faite d’or et d’argent. Tu ne peux te tromper. »

Victor s’en alla en remerciant vivement la vieille dame. Le chemin fut long avant d’apercevoir le bois. Cela fut simple pour lui de trouver la maison, car une lumière étincelait au beau milieu d’une clairière. Arrivé devant la demeure, la porte s’ouvrit. Laissant apparaitre la fée qui l’accueillit chaleureusement.

« Rentre Victor, je connais la raison de ta visite. »
« Pouvez-vous m’aider ? »
Je vais essayer, suis-moi.

Ils entrèrent dans une pièce ornée de plantes et d’oiseaux exotiques. Et tout au fond, une vasque remplie de pierres précieuses. La fée y jeta une poudre étincelante. L’eau se troubla et une image apparut, Victor y vit Paul dans son bureau, la clé autour du cou.

« Mais comment puis-je sortir de ce monde ? » demanda Victor.
« Il faut que tu boives l’eau de la fontaine qui se trouve à la sortie du bois, elle est enchantée. Si ton âme est pure tu pourras ressortir. »

Victor trouva facilement la fontaine et but sans perdre un instant. Il se trouva propulsé dans le bureau de Paul.

« Que fais tu là et où étais tu ? ! » demanda Paul.
« J’étais dans ton livre, où tu as emprisonné tous les rêves. Tu m’as donc menti, tu ne m’as jamais dit que tu les enfermais. Je pensais qu’après les avoir vus, tu les relâchais. »
Paul répondit :

« Cela ne te regarde pas, je te paye assez cher. »
« Je ne veux plus travailler pour toi, reprends ton argent, et donne moi la clé pour libérer Alya ! »
« Il n’en est pas question, elle doit devenir ma femme. Et nous vivrons heureux dans mon monde. »
« Tu n’as pas la droit de la forcer, elle ne veut pas de toi. Rends moi la clé ! »
Paul sortit un revolver de son tiroir :
« Va-t-en, sinon je serais obligé de te tuer. Il n’est pas question que j’abandonne le rêve de toute une vie. »

Victor s’avança, Paul tira mais le manqua. Une bagarre acharnée se livra entre les deux hommes. D’un seul coup, Paul trébucha et se brisa la nuque. Victor s’approcha, vérifia si son pouls battait encore, mais non, il était trop tard. Il lui arracha la clé du cou et repartit dans le livre en direction de la tour.

« Alya ! Alya ! cria-t-il. Je suis de retour avec la clé ! »

Il ouvrit la porte, monta les escaliers et, surpris, il reconnut la jeune fille qu’il avait vue la veille sur le toit. Il l’attrapa par la main et repartit à la fontaine. Il lui dit :

« Accroche toi bien à moi, il faut que tu boives dans le même verre que moi et tu seras libre. »

Il se retrouvèrent dans ce monde réel, où les rêves n’appartiennent qu’à chacun. Où tous les rêves s’imaginent toutes les nuits et disparaissent au matin. Ils se dirent adieu sur le toit de l’immeuble en esperant se croiser un jour, qui sait ? Dans l’un de leurs rêves.