Louise et le plan de Baba-Yaga

22 avril 2010.

Lena COSSON, en 5ème au college le Grand Beauregard, La Chapelle sur Erdre (44), classée 4ème de l’académie de Nantes

 

Louise et le plan de Baba-Yaga

Louise poussa un grognement.
Elle avait retardé tant qu’elle avait pu le moment de se mettre au boulot, espérant jusqu’à la dernière minute qu’un miracle la sauverait mais là, le dernier jour, à onze heures du soir, soit neuf petites heures avant le cours fatidique, elle était coincée. D’autant plus coincée que madame Agay était connue pour la sévérité avec laquelle elle traitait les élèves qui ne rendaient pas leur travail dans les délais impartis.
Pour la dixième fois de la soirée et la centième depuis une semaine que madame Agay leur avait donné ce fichu devoir, elle lut le sujet :
« Baba Yaga est une figure centrale des légendes russes. Vous utiliserez le conte étudié en classe et les résultats de vos recherches personnelles pour rédiger un texte de quatre pages dans lequel Baba Yaga jouera un rôle essentiel. »
Le conte étudié en classe ? Louise en gardait un souvenir si vague qu’elle en était venue à se demander si elle n’était pas absente le jour où la prof l’avait présenté. Vos recherches personnelles ? Il ne fallait quand même pas rigoler !
Bon d’accord, elle n’avait rien fichu, rien écouté, rien préparé et, demain, elle allait se faire trépaner par madame Agay. Et tout ça à cause de cette…
« Maudite Baba Yaga ! » cracha-t-elle.
Comme un écho à son juron, un claquement sec retentit dans le couloir, suivi du bruit d’un corps lourd se traînant vers sa chambre.
Louise se figea. Si elle avait réveillé ses parents, que l’un d’eux entrait et la surprenait en train de … de ne pas travailler au lieu de dormir, madame Agay n’aurait plus rien à massacrer demain.
Elle se précipitait vers son lit lorsque…
« Hé toi ! Cria une voix aigre, est-ce toi qui m’a appelée ? »
Louise se retourna, une femme énorme la fixait. Elle était vêtue d’une longue et large robe rouge brodée de dragons en or. Ses épaules étaient couvertes par une châle assorti, et ses cheveux gris étaient retenus par un fichu de la même couleur. Ses yeux étaient d’un vert émeraude et malgré le temps, ses cheveux laissaient quelques mèches châtains. Elle paraissait avoir une centaine d’années.
« Veux-tu bien répondre petite impolie ? » s’énervait la femme, qui bouillonnait de fureur.
« Je m’appelle Louise Deschamps, et je ... j’aimerais savoir qui vous êtes » tenta la jeune fille, pas très rassurée.
« Ben Baba-Yaga pardi ! Quelle question ! S’étonnait la vieille, maintenant j’aimerais te demander comment as-tu fais pour me libérer ? Oh, peut importe,le monde est enfin à moi ! Où sommes-nous ? Dans quelle ville ? Moscou ? Saint-Pétersbourg ? Tcheliabinsk ? »
« Heu... non, nous sommes à Paris dans le troisième arrondissement en 2004 » rectifia Louise
« Comment ? Mais, je ne comprends pas, j’étais en train de poursuivre Gringalet et ses quarante frères ! Mais cela ne fait rien ! Je vais prendre Paris et rassembler des disciples, et le monde règnera sous mes ordres ! Et tu devras m’apporter aide et adoration, oui, cela me va ! Je m’en vais chercher des compagnons. Je reviens dans deux heures et si le diner n’est pas prêts tu finira en ragoût ! » la menaça Baba-Yaga. Et elle partit en claquant la porte.
Louise commença à paniquer, si Baba-Yaga prenait Paris, alors ce serait le chaos ! Mais, au milieu de sa détresse, elle se rappela quelque chose : elle avait bien dit « j’étais en train de poursuivre Gringalet et ses quarante frères » si Louise avait réussi à invoquer Baba-Yaga, elle pourrait réussir à faire de même pour Gringalet ! Mais, elle ne savait pas comment elle avait fait, alors, recommençons depuis le début, devoir ... Mme Agay ... énervement... Maudite Baba-Yaga... mais oui, bien sûr ! Il suffisait de dire cela ! Alors, Louise cria : « Maudit Gringalet ! Maudits ses quarante frères ! » Et là, dans une fumée bleue apparut un jeune homme, puis, dans une fumée verte les quarante autres. « Ouille ! Aïe ! Gringalet ! Qu’as-tu fait ? Nous sommes serrés ici ! » cria quelqu’un.
« Je n’ai rien fait, rétorqua le jeune homme, mais cette jouvencelle pourra peut-être nous répondre. Mademoiselle, sans vouloir vous offenser, pourriez-vous nous apprendre où nous sommes ? »
« Vous êtes ici, car c’est moi qui vous ai invoqué » expliqua courageusement Louise, « voilà toute l’histoire ... »
Et Louise raconta. Au fur et à mesure qu’elle parlait, le nommé Gringalet fronçait les sourcils. Il la coupa :
« Ohoo ! Une minute ! Vous voulez dire que vous nous avez propulsés 400 ans dans le futur sans assurance de pouvoir nous ramener ? Vous rendez-vous compte de ce que vous avez fait ? »
Louise baissa les yeux. Elle se rendait bien compte, mais c’était nécessaire, elle regarda discrètement sa montre, onze heures quarante. Il ne lui restait plus qu’une heure avant le retour de la sorcière. Elle dépêcha Gringalet qui lui répondit qu’il avait un plan.
« Qu’est-ce ? Dites-le donc ! » s’impatienta Louise
« Voilà, je connais Baba-Yaga, lorsqu’elle aura rassemblé ses disciples, elle choisira une place connue pour attirer l’attention, et elle va emprisonner toute personne à proximité de ses doigts ! Au fait, Louise, si je peux me permettre de vous appeler Louise, faites très attention à ses doigts, c’est une sorcière ! Elle est capable de vous broyer la tête rien qu’avec son regard ! Bon, alors voilà ce que l’on va faire... »
Une petite heure plus tard, Baba-Yaga rentra, accompagnée de ses disciples. « Ohé ! Cuisinière est-tu là ! » cria-t-elle.
« Chuuuuuuuut ! Moins fort ! » marmonna Louise
« Pourquoi donc ? Lança une jeune femme, à la droite de la russe, nous ne sommes que sept dans cette maison ! A moins que tu aies quelque chose à te reprocher ! Kazik, va voir à l’étage s’il n’y a pas quelqu’un ! »
Avant que la jeune femme ne puisse terminer sa phrase, le nommé Kazik filait vers l’escalier. Baba-Yaga décréta que c’était le moment de se mettre à table. Elle mangea goulument, comme ses compagnons. Il ne restait plus que la moelle de l’os de poulet dans l’assiette. Au milieu du festin, Kazik revint avec les parents de Louise. La pauvre jeune fille senti son sang se glacer. La femme du nom de Jakinsminder l’accusa :
« Traîtresse ! Tu n’es qu’une traîtresse ! (Elle se tourna vers Baba-Yaga) Maîtresse vénérée, je propose de l’écarteler pour son non-respect envers vous ! »
« Du calme ! Répondit Baba-Yaga, je pense que quinze jours de cachots avec de l’eau et du pain sec suffiront ! Il ne faut pas oublier qu’elle était la première ici, pas toi ! »
Jakinsminder ne trouva rien à redire. Elle était blonde, avec de grands yeux bleus, et portait l’habit traditionnel de Russie. Elle était très, très belle. Elle regarda Louise avec un air de mépris.
« Voulez-vous bien nous lâcher ! Hurla la mère de Louise, AH LOUISE, DIS A TES AMIS DE NOUS LACHER TOUT DE SUITE ! SI JAMAIS TU AS FAIT UNE BÊTISE, JE TE JURE QUE... »
« Tais-toi ! Tu n’as pas le droit de parler ! Un mois de cachot ! la coupa Baba-Yaga. Mes amis, nous avons bien mangé, bien bu, et nous sommes rassasiés. Ce repas était succulent, mais nous devons y aller, mes amis, à l’Arc de Triomphe ! (elle se tourna vers Louise) toi ! Reste ici et surveille la maison, je ne veux voir personne chez moi !dit-elle, agressivement, Kazik ! Jakinsminder ! Emmenez ces deux intrus avec nous ! Ils ont l’air de mijoter quelque chose ... »
Sur ce, elle partit, ses disciples et leurs prisonniers sur les talons. Louise chuchota : « Gringalet ! »
Et le jeune homme apparu. « Avez-vous revêtu votre tenue de guerrière ? » demanda-t-il. Louise hocha la tête. Un frère de Gringalet nommé Jabez, amena quarante chevaux, dont deux à part.
« Oh non ! Le carrelage ! » se lamenta Louise.
« Vous voyez une autre solution ? La méprisa Jabez, prenez le blanc, Gringalet, le bai, nous, nous prendrons les quarante alezans. »
« Bien. Merci Jabez, allez ! Tout le monde à cheval ! A l’Arc de Triomphe ! »
Sur ce, tout le monde sortit du logis et galopa à vive allure. Sur leur chemin, les passants les dévisageait d’un drôle d’il, Louise, pour son compte, avait le ventre qui ballonnait et se demandait comment elle avait pu se retrouver là. Elle avait réussi a déclencher une guerre entre des personnages de contes, des milliers d’individus se rappelleraient cet événement toute leur vie, et tout ça à cause d’un ridicule devoir.
Un coup de cravache lui laboura l’épaule. Elle sortit de ses pensées, et réalisa qu’elle arrivait.
Baba-Yaga était FURIEUSE.
« Que fais-tu là ? Sale traîtresse ! Je vais te tuer ! Comme tes espions ! »
Kazik se précipitait déjà, toutes griffes dehors. Louise sortit son épée de son fourreau, et esquiva son attaque. En deux ou trois mouvements, elle lui planta son épée dans la poitrine. Elle trembla en voyant l’homme s’effondrer. « KAZIK ! NOOOOOOON ! ». Un grand cri perça le silence. C’était Jakinsminder. Elle plongea sur le corps du disciple en murmurant des mots tendres. Mais Kazik ne bougeait plus. Et Louise voyait bien Baba-Yaga qui sortait son épée, « Non. C’est mon combat. Elle est à moi. » la retint Jakinsminder. Les yeux en larmes et les mains trempées de sang, elle murmura :
« A ton tour ! » Elle décocha une flèche dans le ventre de Gringalet.
« NON ! GRINGALET ! » Hurla Louise
Jabez fonça sur lui. « Il... Il va mourir... » sanglota Jabez, tel un enfant.
« Alors ? On le fait ce duel ? » Demanda Jakinsminder, un sourire diabolique aux lèvres.
« Quand tu veux » rétorqua Louise.
Elle brandit son épée et la lança en direction du ventre de sa rivale. « Raté ! » Jakinsminder la lança à son tour mais ne rata pas son coup. Louise hurla de douleur. Elle avait atrocement mal, mais elle réussi a prendre son arc et tira. Lorsque qu’elle rouvrit les yeux, elle vit Jakinsminder étendue à terre, les yeux ouverts, elle paraissait souffrir mille morts. Louise souleva son épée et donna un coup de pied à son ennemie en chuchotant : « Ça, c’est pour mes parents », hop ! Un autre coup de pied « Ça, c’est pour Gringalet » et encore un ! « Ça, c’est pour mon peuple ».
Elle brandit son épée et lui dit « Va brûler en enfer ! », et elle lui enfonça son arme dans la poitrine.
Elle s’ arc-bouta. « J’arrive Kazik ... » murmura-t-elle une dernière fois, et elle expira. Louise, en titubant, se dirigea vers Gringalet. « Comment va-t-il ? »
« Beaucoup mieux ! » répondit Gringalet lui-même « renvoie-nous chez nous maintenant s’il-te-plait parce que moi, j’en ai ras le ... »
« Soit ! Le coupa Louise, je sais comment faire ... Vénéré Gringalet ! Vénérés ses quarante frères ! »
« Louise ! Regarde sous ton oreiller quand ... »
...
« LOUISE ! LOUISE ANGELA MARIE TORINTON ! » hurla une voix furieuse. _ C’était sa mère.
« Ça fait une demi-heure que je t’appelle ! Prend ta douche, habille-toi et grouille-toi on est en retard ! »
« Une seconde m ’man ! »
Elle regarda sous son oreiller. Un petit paquet en kraft joliment calligraphié y logeait. « Regarde sous ton bureau ! » elle obéit, déchira le kraft qui enveloppait son cadeau et... son épée !
« Viens quand tu veux » lisait-elle. Après tout que risquait-elle ? « Maudite que je suis ! » cria-t-elle.