Victor et le jardin des rêves oubliés

29 avril 2010.

Manon LAZAREF, en 6ème au collège Maurice Peschaud, Allanche (15), classée 1ère de l’académie de Clermont-Ferrand

 

Victor et le jardin des rêves oubliés

Victor était chasseur de rêves.
C’était un métier qui demandait beaucoup d’agilité, pour bondir de toit en toit, beaucoup de dextérité, pour manier le filet à rêves, beaucoup de courage, pour sortir seul la nuit et beaucoup d’imagination, pour effectuer un tri entre beaux rêves et rêves anodins, tout en évitant les cauchemars dangereux et les hallucinations inutiles.
Agilité, dextérité, courage et imagination.
Victor était agile, dextre, courageux et avait toujours fait preuve d’imagination. C’est d’ailleurs cette imagination qui lui avait permis, lorsque ses parents étaient morts, de ne pas se retrouver enfermé à l’orphelinat mais d’être embauché par monsieur Paul.
Mystérieux et inquiétant monsieur Paul.
Victor ignorait ce qu’il fabriquait avec les rêves qu’il lui achetait, pas très cher d’ailleurs, mais cela n’avait pas vraiment d’importance. La seule chose qui comptait pour Victor, c’était de voir les songes se glisser à l’extérieur des maisons par les interstices entre les tuiles des toits, se déployer en fines volutes colorées, onduler un instant comme s’ils cherchaient leur route puis filer vers les étoiles.
Sauf s’il se montrait assez rapide.
S’il se montrait assez rapide et abattait son filet avec suffisamment de précision, le rêve finissait dans sa besace.
Une nuit de printemps, alors qu’il n’avait capturé qu’un petit rêve bleu et cherchait quelque chose de plus consistant à attraper, Victor aperçut une silhouette adossée à une cheminée.
Elle regardait le ciel et ne parut pas surprise lorsqu’il s’assit à ses côtés.
« Tu t’appelles comment ? »
« Je t’attendais. » Répondit la silhouette.
Il y eut un instant de silence puis quelque temps après :
« Je m’appelle Ezola. »
« Mais qui es-tu ? » Demanda Victor.
« Je suis un ange. »
« Un ange mais … »
« Bon, viens je vais te conduire au pays des rêves oubliés ! » lança Ezola.
« Oh chouette justement je … » s’enthousiasma Victor.

« Non ! Interrompit la jeune angélique. Les rêves dont je te parle sont pour ta consommation personnelle, tu ne dois pas les attraper ! Tu chasses les rêves mais à quoi cela te sert-il de t’en emparer si tu n’en as pas toi même ? »
Après un instant de silence, elle ajouta :
« Tu sais j’aimerais que tu travailles pour moi et que tu abandonnes ce patron qui … »
Elle ne termina pas sa phrase.
« Oh oui avec plaisir ! », renchérit immédiatement Victor. « C’est bien payé, oh moins ? »
« Ce sera bien payé, oui mais en rêve ». Répondit Ezola.
« En rêve mais … » Victor hésitait à présent. « Bon, et sinon c’est quoi ce que je dois faire ? »
« Oh ! C’est un travail difficile pour un enfant comme toi. Il te faudra faire preuve de beaucoup d’intelligence. Tu devras partir dans le jardin des rêves oubliés. Là-bas, tu trouveras un carton dans lequel sont enfermés trois rêves oubliés. Tu devras choisir celui qui te semble le plus raisonnable et l’exaucer. Pour cela tu auras besoin de prononcer la formule magique que je t’aurai communiqué au préalable. Ensuite, pour te récompenser de ton dévouement, nous exaucerons l’un de tes rêves. Mais, attention !!! Tu ne dois en aucun cas faillir à cette règle et prononcer correctement la formule sinon tu risques des problèmes conséquents ! »
Victor demeurait interloqué, il ne soufflait mot et attendait. Ezola précisa enfin :
« Tu commences demain. »
« Demain !? » S’exclama Victor.
Mais Ezola était déjà partie, aussi furtivement qu’elle était arrivée...
Le lendemain Victor se rendit au jardin des rêves oubliés. Lorsqu’il arriva ses yeux restèrent figés comme un arbre. La douceur du vent sur sa joue, le parfum que dégageait les fleurs et toutes ces couleurs... C’était si beau, c’était comme un rêve multicolore.
Un peu plus loin, près d’un petit arbuste. Victor trouva le carton et l’ouvrit. Il se saisit des trois petits bocaux qui dormaient en son sein. A l’intérieur de chacun virevoltait un joli rêve couleur cerise. il y avait donc trois rêves oubliés, ainsi que l’avait annoncé Ezola.
Le premier rêve oublié était sans doute le plus populaire : Être le plus riche du monde.
Victor ne souhaitait pas exaucer ce vœu. Certes, il comprenait la nécessité d’avoir de l’argent puisque lui-même ne mangeait pas toujours à sa faim, mais selon lui ce rêve n’était que trop artificiel et peu essentiel.
Le deuxième était bien étrange : Posséder tout le ciel et tout l’univers. Victor trouvait ce rêve un peu curieux. Les étoiles, le soleil, les nuages et les arcs en ciel sont à tout le monde, se dit-il. Chacun doit pouvoir les admirer et jouir de leur joli ballet coloré.
Ne restait donc que le troisième. Il était impératif que celui-ci lui convienne, puisqu’il n’en restait pas d’autre et que la consigne était claire : « Tu dois exaucer le rêve qui te semble le plus raisonnable des trois ». Aucun des deux premiers n’était vraiment raisonnable à ses yeux. L’argent et le pouvoir, est-ce bien là l’essentiel ? Se demanda-t-il ?
Il observa donc le troisième rêve. Celui-ci lui semblait un rêve fort raisonnable et largement essentiel : Famille. Tel était le nom de ce dernier rêve qui semblait bien plus chétif que les autres.
Il se prit à son tour à rêver : une famille... Qu’est-ce qui pourrait être plus puissant que cela ? Avoir de l’argent, avoir le pouvoir. A quoi cela sert-il si personne ne nous aime ? Si personne ne s’inquiète pour nous ?
Victor se mit à pleurer...
Il prononça la formule qu’Ezola lui avait communiquée. Il parla lentement, distinctement pour ne pas se tromper :
« Bilicam gectis glotas siriorina tobi na ta liates. »

Il se passa alors une chose très étrange. Il y eut une sorte d’éclair verdâtre qui s’abattit autour du jeune garçon. Ce dernier ferma les yeux, pétrifié par la peur. Lorsqu’il rouvrit ses yeux, Ezola lui faisait face.
« Tu as rempli ta mission et tu as su choisir le bon rêve. Aimable petit garçon... Les adultes ont oublié ce qui est essentiel. Ils se consacrent à des choses sans importance et délaissent ce qui prime. A présent, à toi !!! »
Ezola prononça la fameuse formule, qui fut encore une fois suivie d’un éclair. Puis elle ajouta :
« Voici ton rêve le plus cher... »
« Mais comment pouvez-vous savoir ce que je désire le plus au monde, je ne vous ai rien dit ? » expliqua l’enfant.
« Disons que je connais beaucoup de monde... »
Puis elle disparut toujours aussi furtivement qu’à son habitude.
Victor sentit ses paupières s’alourdir, il ne put lutter contre ce sommeil assommant qui l’entraînait.
Driiiing......... Il est l’heure Victor, nous devons partir à l’école. Ton père te prépare ton chocolat et tes tartines.
Victor n’avait pas eu le temps d’ouvrir ses paupières et de se réveiller que sa mère avait déjà déserté la chambre. Elle avait cette fâcheuse manie de toujours disparaître de la pièce aussi furtivement qu’elle était arrivée.