TROUILLOT Lyonel

Haïti

11 avril 2024.

Poète, romancier, plume et voix enragée de Port-au-Prince, acteur de la scène francophone mondiale, Lyonel Trouillot conte et raconte Haïti, île à laquelle il reste attaché et fidèle. Engagé de longue date en faveur de sa démocratisation, il est également l’auteur d’une œuvre poétique et romanesque de première importance. Après Moi/Mwen (Atlantiques déchaînés, 2023), un recueil en créole et en français où résonnent deux voix tentant de renouer avec leurs racines, ce grand habitué du festival revient avec Veilleuse du Calvaire (Actes Sud, 2023). Dans la veine d’une littérature haïtienne ancrée dans le réel et porteuse d’une possibilité poétique de vivre, il décrit le passé vibrant et la dégradation actuelle du quartier de Bel Air à Port-au-Prince, véritable microcosme de la société haïtienne. Dans ce livre-chant, Lyonel Trouillot célèbre la mémoire d’un lieu symbole et le courage des femmes en lutte face à la prédation des hommes.

 

Issu d’une famille d’avocats, Lyonel Trouillot entame des études de droit, mais très vite se fait remarquer par ses écrits. Il apporte sa contribution à différents journaux et revues d’Haïti et de la diaspora, dans lesquels il publie de nombreux poèmes et textes critiques. Il est très engagé dans la résistance à l’oppression de son pays, qu’il a toujours refusé de quitter. Dans les années 1990, il anime Cultura, une revue littéraire lancée dans le cadre du projet franco-haïtien de promotion du livre et de la lecture.

Professeur de littérature à l’Institut français d’Haïti et à l’université Caraïbe, il poursuit parallèlement ses activités littéraires en publiant une œuvre poétique et romanesque de première importance, des poèmes composés en créole et des romans écrits en français. En France, l’œuvre de Lyonel Trouillot est publiée par Actes Sud et Riveneuve éditions.

Membre très actif du collectif « NON », qui s’est créé à la fin de l’année 2003 au moment d’événements tragiques en Haïti, qui ont donné lieu au départ d’Aristide, Lyonel Trouillot, engagé de longue date sur le front de la résistance à la dictature et de la reconstruction démocratique de son pays, n’a depuis, cessé de mettre sa notoriété et son action au service d’une cause dont il est sans conteste l’un des porte-parole les plus écoutés.

Proche du festival, Lyonel Trouillot est Président de l’association Étonnants Voyageurs Haïti.
En 2010, il publie un ouvrage en collaboration avec la photographe Amélie Baron, où il commente les clichés qu’elle prend après la catastrophe du séisme : Haïti, le dur devoir d’exister. Un livre pour montrer le quotidien et la survie. « J’ai regardé ces photos comme un rappel du côté injuste du réel », dit-il. Avec Louis-Philippe Dalembert, il signe la même année une anthologie de la littérature haïtienne.
Il participe également à la direction et la publication d’un essai qui s’interroge sur les directions à prendre pour la reconstruction d’Haïti : Refonder Haïti ?, paru aux éditions Mémoire d’encrier.

En 2011, La Belle amour humaine « fable lumineuse et dense » (Figaro magazine), sélectionnée pour le Goncourt 2011, a valu à Lyonel Trouillot le Grand Prix du Roman Métis. Son roman suivant, Objectif : L’autre, paru en mai 2012, fait l’inventaire de sa vie d’écrivain, de ses passions, de ses amis, de ses lectures et de ses combats.

Après Le doux parfum des temps à venir, où il se livrait au jeu des réminiscences olfactives, l’écrivain publie à l’automne 2013 Parabole du failli ; ce roman prend la forme d’un texte adressé à un comédien haïtien, Pedro, qui s’est donné la mort en se jetant du douzième étage d’un immeuble. L’auteur du texte, l’un de ses deux amis, dresse le portrait de ce personnage qui déclamait du Baudelaire dans les rues de Port-au-Prince, entre reproche posthume, lettre d’amour, cri de rage à l’encontre du disparu.

Le Dictionnaire de la rature est un travail collectif né de rencontres et de discussions avec Geneviève Marie de Maupeou et Alain Sancerni. Cet objet ludique revêt des aspects critiques et impertinents autour de la disparition des mots du dictionnaire. Si le livre se présente sous une forme plaisante voire badine, il y a quelque chose de l’ordre de la véritable conviction.

À 60 ans, l’écrivain, dont le souhait le plus cher serait la reconnaissance d’une véritable indépendance haïtienne, livre en 2016 Kannjawou, roman qui donne à voir la dislocation d’un groupe d’amis, à l’image du devenir de son pays. Ici le chant incantatoire de Lyonel Trouillot fait danser Haïti, une terre où les personnages sont habités par une puissance tellurique et une charge poétique déployée magnifiquement. La puissance des destins en jeu se lie dans l’intime avec la poésie et la contestation de la plume de l’auteur. Ce roman fait écho à son recueil poétique publié en 2015, Anthologie bilingue de la poésie créole, où le lien entre créole populaire et français élitiste immisce dans les esprits la réconciliation, au service d’une même cause : la désaliénation et la souveraineté totale de l’île.

Il signe en 2019, avec ses amis Marie-Bénédicte Loze, poète, et Ernest Pignon-Ernest, dessinateur, un conte nostalgique où chacun rêve d’amour et d’égalité. Pourvu d’un sens aigu du tendre et du faillible, ce livre à six mains chante « la beauté des recommencements » et trace un chemin d’espérance. Dans Antoine des Gommiers, deux frères d’un quartier déshérité de la capitale haïtienne, Franky et Ti Tony, reconstituent la vie d’un devin légendaire de l’avant-guerre, dont le roman tient son titre, et dont leur mère dit être la descendante. Ode au pouvoir de l’écriture et de l’imaginaire, le nouveau roman de Lyonel Trouillot sonne comme un chant où se mêlent la misère et l’émerveillement.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Veilleuse du Calvaire

Actes Sud - 2023

Lyonel Trouillot raconte l’histoire d’un paysage de pierres, de rivières et d’ombrages, celle d’une colline abîmée par la violence et la cupidité des hommes. Un notaire sans scrupule y jette un jour son dévolu, la divise en parcelles pour la livrer à une cohorte de prédateurs, criminels, affabulateurs ou tortionnaires. Mais depuis toujours en ce lieu règne la Veilleuse du Calvaire, celle qu’on a prise pour une madone, un fantôme, un esprit et qui n’est rien de cela. “Je suis, dit-elle, ton devoir de mémoire qui a choisi un corps de femme pour qu’il n’y ait dans le récit ni mensonge ni omission. Au passé comme au présent, nos corps portent les marques de toutes les offenses et de tous les dénis. Comme ils sont le chemin de toutes les promesses.”
Dans l’oeuvre de Lyonel Trouillot, le courage des femmes est un personnage en soi. Le geste de cet écrivain est toujours politique, mais ses appels sont des poèmes, des romans, et parmi eux ce livre-cri, ce livre-chant, celui de celles qui, sur l’île d’Haïti comme dans le monde entier, sont en lutte face à la folie des mâles, le mépris, l’irrespect et la haine dont elles sont les cibles et les victimes.