Björn Larsson, Gilleleje, Danemark, 28 juin 2010

28 juin 2010.
 

Où suis-je ? La question est bonne, dans mon cas, car j’ai l’impression d’ètre sans cesse en route, jamais tout à fait là où je me trouve, rentrant seulement pour repartir, sans port d’attache autre que temporaire. S’il est vrai que je suis en ce moment installé dans un de mes pieds-à-terre, à savoir sur mon bateau, le ”Stornoway”, amarré au port de Gilleleje, au nord de l’île de Själland, au Danemark, il est également vrai que je me prépare à partir naviguer d’ici quelques jours. L’avantage d’habiter sur un bateau, même à mi-temps, comme je le fais, c’est qu’on part avec sa maison ; on promène son chez-soi, faute d’en avoir de fixe. Je n’ai pas encore décidé où aller ; je laisserai sans doute au vent de décider pour moi. En tout cas, la météo laisse présager un temps de magie. Il n’y a rien qui égale des journées d’été de beau temps dans le Nord. L’air est cristallin, il fait chaud, mais pas excessivement et les soirées sont longues. Nous sommes à la fête de Midsommar, résolument païenne, l’une des fêtes les plus aimées dans les pays Scandinaves, où l’on se réjouit de l’arrivée de l’été, avec, néanmoins, une touche de mélancolie due à la conscience que les journées, dorénavent, se feront plus courtes. Ce soir où je vous écris il n’y a pas un nuage, le soleil descend vers l’horizon, la lune monte au sud et le ciel commence à se noircir. C’est la journée la plus longue de l’année ; dans quelques heures, quand il fera nuit à l’ouest, l’aube se pointera à l’est. A terre, au Danemark, on allumera des feux le long des côtes. En Suède, en face, on dansera autour de hauts poteaux entièrement couverts de fleurs. Qui préfère rester devant la télé à regarder un match de foot n’aura rien compris à la vie.

Björn Larsson

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le choix de Martin Brenner

Grasset - 2020

À la mort de sa mère Maria, Martin Brenner ressent certes de la douleur mais s’interroge aussi : il ne s’est jamais vraiment senti très proche d’elle. Il procède à la dispersion des cendres en suivant ses dernières volontés, met sa maison en vente, puis il compte reprendre le cours de sa vie, entouré par son épouse Cristina et sa fille Sara. Brenner est généticien et directeur d’un laboratoire, un homme discret et plutôt solitaire. Il s’estime heureux dans la vie.

Mais lorsqu’un avocat l’appelle pour lui annoncer que sa mère était juive et survivante des camps, sa vie prend un tournant imprévu. Petit à petit, les révélations contenues dans une lettre laissée par sa mère et les informations que lui fournissent l’avocat et le rabbin de la ville où il habite le poussent à faire des recherches sur l’identité juive. Il croise ses lectures personnelles sur le sujet avec les recherches en génétique qu’il mène – touchant à la question de l’appartenance religieuse et ethnique, vue par la science. Il décide de n’en parler à personne – pas même à son épouse – avant de parvenir à une décision quant à sa judéité : il refuse l’idée qu’il doive assumer le fait d’être juif seulement parce que sa mère l’avait été. Mais lors d’un colloque scientifique à Montréal, il est pris à parti dans un débat et alors qu’on l’accuse d’antisémitisme, il révèle sa judéité… Le piège s’est renfermé sur lui, et le château de cartes qu’était devenu sa vie s’effondre : sa femme Cristina, ignorant tout de sa réflexion, se sent trahie, puis quand lui et sa fille deviennent la cible d’ignobles attaques antisémites, son épouse le quitte. Il perd son travail, son meilleur ami se détourne de lui, seul le rabbin Golder maintient le contact. Il fait alors appel à un écrivain célèbre et lui demande de raconter son histoire…

Le choix de Martin Brenner nous fait vivre de l’intérieur la descente aux enfers d’un homme aux prises avec la question identitaire. Le roman nous propose ainsi une interrogation sur le libre-arbitre. Comment savoir qui nous voulons être dans notre vie intime et aux yeux de la société ? Comment rester libre dans ce choix ?

Traduit du suédois par Hélène Hervieu