Florent Couao-Zotti, Cotonou (Bénin), le 29 juin 2010

29 juin 2010.
 

Le sac en bandoulière, je suis reparti dans mon pays, les yeux fixés sur "RegardBénin" festival d’Art auquel j’ai été associé. J’ai plongé dans l’atmosphère ouatée de Cotonou étranglée par des pluies tropicales. Avant même que l’avion n’atterrisse, les éléments nous ont souhaité la bienvenue, en faisant tanguer le gros Airbus A-320 de la compagnie Air France, ce qui a obligé l’avion à effectuer plusieurs tours au-dessus de la ville avant d’embrasser le sol.
J’habite Porto-Novo, la Capitale du Bénin - c’est dans tous les manuels scolaires et les documents administratifs, mais rien ne l’indique dans les faits. Cette cité dont les habitants cultivent une autodérision assez exceptionnelle, me voit tous les deux jours enjamber le pont communiquant avec le reste du pays, pour me rendre à Cotonou, ville toute aussi déjantée que ses habitants.
Ce matin, j’ai rempli ma voiture d’essence "kpayo" - carburant de contrebande importé du Nigérian voisin et disponible partout, même devant la brigade policière -, j’ai surfé sur la route entre la carcasse d’un gros camion qui s’est affaissé sur la tête avec les quatre roues en l’air, un "dindon fata", bus antédiluvien qui a perdu deux pièces indispensables et un taxi-brousse surchargé de quatre-vingts bidons d’essence... Après un tel exploit, je me suis retrouvé nez à nez avec des jeunes, une cinquantaine, excités comme des abeilles et voulant en découdre avec un chauffard ayant accidenté une élève de six ans. La fillette n’est que blessée, elle est couchée sur le flanc de la route. Le chauffeur, lui, a abandonné voiture - une luxueuse Honda nouvellement achetée par un ministère - et a pris violemment ses jambes au cou. Contre une "négociation" qui lui coûterait, au mieux, des centaines de milliers de CFA, au pire deux bras ou deux pieds cassés, il a préféré faire la belle.
Les jeunes ont barré la voie et hurlent à qui veulent les entendre que tant que le chauffeur ne sera pas retrouvé, il ne libèreront pas la route. La pagaille a duré près de cinq heures. Et la queue des voitures s’est allongée de Porto-Novo à Sèmè, c’est-à-dire sur près de quinze kilomètres. Il a fallu que la police débarque avec matraque, bombe lacrymogène pour que la route soit dégagée et que la circulation devienne normale. Ma journée, elle, est foutue...

Florent Couao-Zotti