Birama Konare : "Bamako à l’heure du terrorisme !"
 

10 janvier 2011.
 

Bamako à l’heure du terrorisme !

Des coups de feu, une bombonne de gaz, des cris, des blessés, un forcené criant sa haine, des sirènes dans la nuit. Ceci n’est pas un passage de L’attentat de Yasmina Khadra encore moins une scène tragiquement routinière d’Irak retransmise par les médias. Nous sommes devant l’ambassade de France à Bamako, le mercredi 5 janvier 2011. Je n’en reviens pas. Assis dans mon lit au moment où je vous écris ce billet, je ne cesse de me répéter “un attentat à Bamako”. Je n’en reviens toujours pas. Où suis-je ? Pas au Mali ! D’accord, à nous la pauvreté, la chaleur suffocante, le colonialisme… mais pas cette espèce de forfaiture. Dans un recoin de mon cœur et à chaque passage de faits divers dans les médias, je psalmodie en ajoutant “Alhamdoullaye, Dieu tout puissant, nous ne connaissons pas les tremblements de terre, les tsunamis, les attentats suicides, les serial killers …, ces maux sont réservés aux autres” .

Cet attentat est un signal si fort que même les familles fondatrices de la ville des trois caïmans n’ont souvenir d’un précédent. Les autorités locales tentent de rassurer la population attestant que c’est un acte isolé d’un apprenti terroriste. N’est pas apprenti celui qui revendique le droit de mort sur autrui, qui s’amuse avec des engins explosifs et qui se promène avec un pistolet en ne jurant que par AL QAIDA. Aux écrivains, intellectuels, politiciens, religieux et simples membres de la communauté, ici et ailleurs, une analyse de ces comportements potentiellement destructibles, s’impose. Comprendre la psychologie de ceux qui ne se sentent pas bien ou se sentent humiliés, inutiles dans notre communauté au point d’en vouloir sa destruction.

Le lendemain du désormais « attentat de Bamako », pour me rassurer, je prends la commande de ma voiture et j’arpente les rues sinueuses de ma capitale. Le panier de la ménagère sur la tête, les femmes en petits groupes se rendent au marché, les hommes se plaignent toujours de la cherté de la vie, je reçois les premiers appels téléphoniques de mes clients. Je dirai presque "Ouf !" Seul le lycée français est resté fermé confisquant ainsi l’apprentissage des enfants et chamboulant le planning des parents. Dorénavant, là où je suis, il faudra employer de nouveaux repères, et vivre avec un savant mélange de sentiment d’impuissance, de désespoir et s’armer de courage. Pour ma part, je me suis déjà rodé à cet exercice dans une certaine ville, New York où je vivais lors des actes terroristes du 11 Septembre 2001. A Bamako donc, je me méfierai davantage de mon voisin ; il a peut-être un engin explosif à la taille. A Bamako, je ferai attention aux endroits où je mettrai les pieds. A Bamako, je sensibiliserai les agents postés devant les lieux publics en les incitant à plus de vigilance. Enfin, après avoir posté ce billet, je quitterai mon lit pour mon tapis de prière avec ses motifs rassurant de la Kabbah et j’implorerai Allah pour qu’il préserve la stabilité de mon très chaleureux Maliba car que deviendrait notre jitiguiya, hospitalité, si nous ne pouvons accueillir des touristes ? Qu’adviendrait-il de notre culture et notre riche patrimoine historique si nous ne pouvons la partager avec nous mêmes et nos étonnants hôtes venus chez nous le temps d’un festival, d’un concert, d’une conférence ?

Birama Konaré qui souhaite une année de paix à tous les étonnants voyageurs où qu’ils soient.

Birama Konare