ALEXANDRE Alfred

France

19 février 2016.
 
© Philippe Bourgade

Biographie

À l’heure où s’éteint le Martiniquais Edouard Glissant (disparu le 3 février 2011), les Antilles voient s’affirmer une nouvelle génération d’écrivains qui trouve son chef de file en la personne d’Alfred Alexandre, romancier « post-créole ». Sans renier ses aînés, celui-ci dresse un constat critique : les discours de la Négritude puis de la Créolité, nés comme contre-cultures, comme pensées de la dissidence, ont été selon lui « récupérés ». Aujourd’hui, les cadres qu’ils ont posés font obstacle à l’émergence d’une littérature caribéenne renouvelée, rompant avec le « questionnement identitaire dans lequel elle est enfermée depuis un demi-siècle ».

Si l’univers caribéen reste la matière première de son œuvre, l’auteur se réclame du roman américain, citant volontiers Faulkner comme un de ses grands modèles. Il revendique un retour au récit, délaissé par ses prédécesseurs, « poètes déguisés en romanciers » (E. Glissant, P. Chamoiseau) au profit du travail sur la langue.

Né en 1970 à Fort-de-France, Alfred Alexandre a étudié la philosophie à Paris, avant de se réorienter en 3ème cycle vers la littérature. De retour en Martinique, il abandonne les études universitaires pour exercer la profession d’enseignant-formateur en français. Jugeant jusque là ses écrits inaboutis, « trop littéraires », il trouve une impulsion nouvelle au contact des salariés qu’il forme, et notamment des travailleurs sociaux, dont les récits nourrissent son premier roman Bord de canal (Prix 2006 des Amériques insulaires et de la Guyane). L’univers d’Alfred Alexandre, c’est la marge, les bas-fonds de Fort-de-France, où errent des personnages souvent antipathiques, toujours « borderline » : dealers paumés, clandestins, proxénètes ou putains rêvant d’amour. Ce monde d’exclus, Alfred Alexandre l’a aussi porté au théâtre : sa première pièce La nuit caribéenne, remarquée lors du Concours d’Ecriture Théâtrale – Caraïbe 2007 a été mise scène en 2010. Depuis, un second texte théâtral Le patron a été présenté en 2009 à Québec dans le cadre d’une résidence d’écriture organisé par l’association ETC-Caraïbe et le Centre des auteurs dramatiques du Québec (CEAD).

Selon Alfred Alexandre : « La créolité est une littérature de la ruralité. Même les textes qui se situent en ville sont des textes d’exode rural : c’est la campagne qui vient s’installer en ville. » Au contraire, les paumés qui peuplent ses oeuvres sont des produits de la ville contemporaine. L’espace urbain ségrégué que l’auteur dépeint dans son dernier ouvrage, Les Villes Assassines, est emblématique de sociétés caribéennes au bord de l’explosion, comme en témoigne le mouvement de grève générale qui secoua les Antilles françaises en 2009. La littérature d’Alfred Alexandre est ainsi résolument politique : l’écrivain délivre son diagnostic sur l’ « état de la cité », l’état d’une Martinique dont ses personnages en rupture de ban constituent un symbole.

Avec Le bar des Amériques, son dernier roman, il reste fidèle à son attrait tout particulier pour les visages de l’errance, miroirs d’une société à la dérive : tout au long du récit, dont l’espace central est le huis-clos d’un bar échoué au rez-de-chaussée d’un hôtel à l’abandon, quatre motifs que sont les conteneurs, l’île, le naufrage, les migrants, balisent le vertige en solitude des personnages.


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Le bar des Amériques

Mémoire d’Encrier - 2016

Le bar des Amériques est le roman de l’amour perdu. Perte dont le souvenir et la douleur indépassés installent Bahia dans l’enfermement du ressassement et de l’errance à soi. Un enfermement de trente ans qu’elle croit pouvoir briser lorsqu’un matin, très tôt, sur le bord évanoui de la mer, elle rencontre, comme dans un miroir, un autre visage de l’errance, en la personne de Leeward, un ancien passeur de clandestins à la dérive, dont la vie se limite à boire, le soir, en compagnie de son vieux complice d’autrefois, Hilaire.

Tout au long du récit, dont l’espace central est le huis-clos d’un bar échoué au rez-de-chaussée d’un hôtel à l’abandon, quatre motifs, comme une respiration sous-marine, balisent le vertige en solitude des personnages : les conteneurs, l’île, le naufrage, les migrants.