LEVI Mario

Turquie

22 mars 2011.
 

Biographie

© Aysun Altindag

" S’il faut être quelque chose, je suis juif, turc, stambouliote écrivain." Voici comment se présente Mario Levi, un des plus grands écrivains et essayistes turcs de sa génération.

Élevé à Istanbul auprès d’une grand-mère séfarade qui ne lui parlait que français et nourri de cours de morale de frères catholiques, sa destinée est selon lui, d’être étranger. Parlant le turc, le français et le judezmo (mélange de castillan et d’hébreux), il est donc chez lui dans Istanbul la bigarrée, ville entre deux rives, ville d’exil et ville palimpseste sur laquelle se sont inscrits des peuples, des cultures et des religions différentes.

Après des études de philologie française et romane, il se lance dans l’écriture en tant que journaliste, notamment à Shalom, unique quotidien judéo-turc du pays. Il rédige sa première nouvelle en 1975 mais son premier long ouvrage, Un homme seul : Jacques Brel, adaptation en roman de sa thèse de fin d’études, sort en 1986. Il publie en 1990 Impossible de gagner la ville, un recueil de nouvelles en partie autobiographiques puis un deuxième recueil, Madame Floridis ne reviendra peut-être pas, qui décrit une minorité d’Istanbul et son combat pour s’adapter à une société en mouvement perpétuel.
Vient ensuite le temps des romans avec Notre plus belle histoire d’amour et surtout Istanbul était un conte, salué en Turquie par des prix importants et traduit en français en 2011. Dans cette saga d’une famille juive stambouliote sur trois générations, de 1920 à 1980, le lecteur déambule dans la ville et les histoires familiales aux parfums nostalgiques. Mario Levi, dernier véritable écrivain représentatif des minorités juives, arméniennes et grecques qui constituaient un monde encore florissant il y a cinquante ans, y peint le portrait d’une ville-monde, d’une ville accueillante aux prises avec une modernité qui en efface le cosmopolitisme. Convaincu que "la littérature, et en particulier le roman, est un domaine vaste et profond qui donne l’occasion de mieux comprendre, voire d’analyser l’histoire (...), que la littérature nous offre la possibilité d’explorations souvent périlleuses, qui nous servent aussi de miroir", Mario Levi raconte dans ses livres ce brassage des cultures enraciné dans la mémoire d’une cité qui fut capitale de trois empires.

Sabine Wespieser Editeur devrait publier prochainement son tout dernier roman : Où étiez-vous quand l’obscurité tombait ?, sur la génération des années 1970, entre violences politiques, coups d’état militaires et répressions. Un livre sur les rêves fracassés d’une génération, avec toujours cette même nostalgie que l’on retrouve dans Istanbul était un conte.


Bibliographie :


Présentation de Istanbul était un conte

spip_logoSaga familiale, livre-fleuve, déambulation intime et roman-monde, le texte de Mario Levi est tout cela à la fois. Issu d’une famille juive séfarade arrivée à Istanbul au moment de la Reconquista, l’écrivain plonge dans la mémoire de sa ville natale comme s’il ouvrait une malle aux trésors.

Les objets, les tableaux et les photographies sépia s’animent, et c’est la vie quotidienne de trois générations de Juifs stambouliotes au cours du XXe siècle qui ici prend forme, sous les yeux du lecteur abasourdi. Il faut accepter de se perdre dans les ruelles étroites de la ville, sur les rives du Bosphore et dans les méandres des histoires familiales : au gré des errances du narrateur, dévoilant à travers mille récits et anecdotes les secrets de chacun de ses quarante-sept personnages (qu’il inventorie dans un lexique en début d’ouvrage), le charme agit.

Istanbul est un conte, comme le sont les aventures, réelles ou rêvées, de ses habitants. D’une histoire à une autre, se dessine le portrait d’une ville-monde, mais aussi son évolution vers la modernité. La ville cosmopolite et accueillante pour les communautés étrangères change au fil des ans, tandis que retentissent jusque dans le coeur des foyers les tragédies du siècle.

Puissamment nostalgique, le livre de Mario Levi tente, et ce n’est pas son moindre attrait, de sauver un monde englouti, un monde de boutiquiers pauvres parlant encore le yiddish et le ladino, un monde où cohabitaient toutes les traditions et toutes les religions.

Istanbul était un conte est le chant d’amour de l’écrivain à une ville rêvée, et une formidable invitation à s’y perdre faite à son lecteur.

Revue de presse :