GARAT Anne-Marie

France

10 mai 2020.

Lauréate saluée par le Femina 1992 pour Aden, elle signe une œuvre littéraire de tout premier plan, constituée de romans, de nouvelles, de chroniques, d’essais, d’articles, d’entretiens… Femme de terrain - convaincue que l’imaginaire est une richesse sans pareil, et sa transmission une question politique - elle milite pour la lecture publique. Anne-Marie Garat publie cette année une aventure intime dans un décor de mer, à la fois épique et tragique, dans un rythme soutenu de sa langue incandescente. Elle conte avec charme et finesse un récit exigeant, où la poésie s’empare des choses quotidiennes et où la catastrophe se mue en expérience soutenable.

 

Anne-Marie Garat a longtemps écrit dans sa cuisine, qui constitue à ses yeux un petit laboratoire existentiel. C’est là qu’elle a mijoté les ingrédients d’une œuvre foisonnante. Elle revendique la fiction comme représentation vraie mais aussi comme art de l’inquiétude, propre à la connaissance de soi et du monde. Son style emprunte autant au registre de la poésie que du réalisme et elle aime à emprunter les mots de Conrad dans Lord Jim pour définir son écriture : "de toute évidence ce devait être quelque chose de très simple - la chose la plus simple et la plus impossible du monde ; comme le serait par exemple la description de la forme exacte d’un nuage."

Née en 1946 à Bordeaux, dans un quartier ouvrier, Anne-Marie Garat est marquée par l’héritage de la mémoire familiale que traversent les deux Guerres mondiales. Dans ses romans pérégrinent les figures de l’absence et du crime et les fantômes du passé. Ainsi, dans L’Insomniaque, le personnage, qui fait l’inventaire de son passé dans une quête sans sommeil, assiste à l’éclatement de son existence. Le personnage éponyme d’Aden, lui, entreprend un difficile voyage en lui-même longtemps différé pour forcer les verrous de sa mémoire. Dans Les Mal famés, deux âmes esseulées se réchauffent l’une l’autre devant l’âtre du souvenir des amours perdues, dans une maison abandonnée dont les murs renvoient l’écho de leur solitude.

En 2006, sort le premier tome d’une trilogie, fresque magistrale qui embrasse tout le XXe siècle : Dans la main du diableraconte l’éclatante réussite d’une famille de biscuitiers à la veille de la Guerre de 1914 ; tandis que le tome 2, L’Enfant des Ténèbres, évoque les années 1930 et la montée des dictatures totalitaires. Enfin, en 2010, le dernier tome Pense à demain débute avec les dessous obscurs des glorieuses années 60 - collabos non poursuivis, guerre d’Algérie mal cicatrisée, et s’achève en 2010, où le destin des personnages dessinent le portrait tragique du siècle.
"Trois tomes qui se tiennent organiquement et dont le dernier est le roman du roman" selon l’auteur. Il y a derrière ce travail au long cours un énorme travail de documentation allié à une richesse de l’intrigue et à l’invention de personnages complexes.
La question du mal traverse toute sa trilogie qu’elle regrette de n’avoir pas dès le départ regroupée sous le titre "Les ogres et les orphelins" dont elle souhaite explorer toutes les ambiguïtés : "Les ogres", rappelle-t-elle, "ont la complexité d’êtres humains et des côtés séduisants. Et les orphelins sont souvent très dangereux : ayant tout perdu, ils n’ont plus rien à perdre".

Le Grand Nord-Ouest, son 25e roman, nous emmène dans les paysages blancs du Yukon, au milieu des chercheurs d’or. Ce roman naît de sa volonté de briser les codes d’un genre viril et bien souvent associé à la gent masculine, pour en faire un genre nouveau, et appréhender ce qu’elle nomme un« western féminin ». Jessie, six ans, suit sa mère en exil, de la Californie jusqu’au Grand Nord-Ouest. Avec elle, nous plongeons corps et âme dans la wilderness Yukon et de l’Alaska des années 1930, à la rencontre des peuples amérindiens et d’innombrables secrets de famille !

En 2020, Anne-Marie Garat publie La Nuit Atlantique, une aventure intime dans un décor de mer, à la fois épique et tragique, dans un rythme soutenu de sa langue incandescente. Elle conte avec charme et finesse un récit exigeant, où la poésie s’empare des choses quotidiennes et où la catastrophe se mue en expérience soutenable.


Bibliographie sélective

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

La nuit atlantique

Actes Sud - 2020

Un soir d’automne, Hélène, trente-huit ans, archiviste de son état (et aimant à se prétendre célibataire “par vocation”), arrive dans une petite station balnéaire de Gironde dans l’idée de venir en n mettre en vente cette maison isolée sur la dune, acquise dix ans plus tôt. De cette bâtisse aux allures de faux cottage anglais, porteuse d’une falsi catrice mémoire et qui, au l du temps, s’est muée pour elle en malé que talisman, Hélène veut se débarrasser pour toujours, et, ce faisant, évacuer quelques fantômes qui parasitent secrètement son existence. Contre toute attente, elle trouve, au bout de son expédition, la maison occupée par un jeune photographe canadien d’origine japonaise, Joe Naruse, squatteur au demeurant très civilisé, dont la conversation et les propos “exotiques” vont bercer sa soirée tout en commençant, en sous-main, à bousculer ses plans. À ce progressif déplacement des enjeux contribuera, dès le lendemain, l’arrivée elle aussi parfaitement inopinée, en gare de Soulac-sur-Mer, de la lleule adorée d’Hélène, Bambi, en proie à des préoccupations aussi sérieuses qu’inédites.
La maison mal aimée va-t-elle peu à peu devenir un havre, une arche de Noé ? Les forces cosmiques qui gouvernent l’univers n’en décideront pas ainsi mais entreront dans la danse pour assurer la médiation qui fera advenir la mutation profonde dont, à sa mesure, chacun des personnages du roman semble devoir faire l’expérience, à l’instar de notre humanité elle-même.
Entre retrouvailles en terrain (trop ?) connu, nouvelles relations que le hasard suscite, mêlant les horizons géographiques et historiques, entre chemins de forêts nocturnes et tempête centennale, crimes anciens surgissant d’un tableau et autres voix perdues, entre érosion des côtes et de toutes ses certitudes, Hélène s’e ondre avant de se relever pour s’ouvrir aux initiations qui l’attendent et vivre la mutation libératrice et amoureuse à laquelle, sur le divan de sa psychanalyste parisienne, elle ignorait si ardemment aspirer, et qui a mis en déroute tous ses démons personnels.

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Revue de presse :