FIÈRE Stéphane

France

3 avril 2014.
 
© Philippe Matsas

Lorsque l’éditrice de Bleu de Chine reçoit le premier manuscrit de Stéphane Fière, elle le croit écrit de la main d’un auteur chinois qui aurait pris un pseudonyme français. C’est que l’écrivain, qui vit depuis plus de vingt ans à Shanghai, a pratiqué une insertion totale dans le mode de vie chinois, au point d’être aujourd’hui en symbiose avec la culture du pays. « Cela fait vingt ans que je parle chinois, j’ai donc acquis inconsciemment une façon de penser chinoise. »

Né à Lyon, en 1960, Stéphane Fière gagne Paris pour faire ses études en science politique, puis préparer le concours de l’Ena. Mais en 1984, un coup de tête l’entraine à Taiwan, où il restera deux ans. C’est un véritable coup de foudre : « je n’aurais pas été plus étranger si j’avais débarqué sur Mars, et pourtant j’étais chez moi », déclare-t’il. Il repart cependant vers les Etats-Unis : à Los Angeles, il fonde avec son épouse chinoise une société d’accessoires de mode, entreprise plutôt lucrative qu’il décide néanmoins de vendre, afin de « faire autre chose que de gagner de l’argent ». Il reprend alors ses études, entreprend une thèse à Harvard sur « l’évolution de la composition du Comité central du parti communiste chinois, de 1978 à 1992 », et apprend le mandarin. Après un bref retour en France, il s’installe définitivement en Chine, où il travaille désormais en tant que guide interprète.

L’entrée de Stéphane Fière dans le monde de l’écriture est pour le moins atypique. Un beau matin, sans l’avoir prémédité, il débarque avec son ordinateur sous le bras dans une bibliothèque, et commence à taper quelques lignes. Un an durant, il répète ce petit manège, s’installant à la même place de 9h à 17h. « Je peux rester 8 ou 10 heures par jours, sans bouger à ma table : parfois j’écris trois lignes, un paragraphe. J’ai besoin de regarder devant moi, d’avoir les yeux qui se promènent, le cerveau qui rêve. » Et c’est ainsi que se construit petit à petit La Promesse de Shanghai, son premier roman paru en 2006 : Stéphane Fière écrit sans plan préétablit, au gré de ses envies et de ses humeurs. L’ouvrage se glisse dans la peau d’un « mingong », l’un de ses travailleurs urbains misérables venus de la campagne et qui n’ont aucun droit ou reconnaissance, au cœur d’une Chine foisonnante et réaliste. Son premier livre, bientôt suivi par un second, Caprice de Chine, est un véritable succès. En 2011, parait aux éditions Métailié Double Bonheur, un roman qui explore une autre réalité de la vie à Shanghai, celle des expatriés français : les aventures d’un jeune interprète au consulat chinois, ses activités frauduleuses et son amour pour la belle An Lili. Stéphane Fière jette un regard sans aucune compassion sur ce monde d’expatriés occidentaux, et dessine une Chine bien différente des clichés exotiques habituels.

Après avoir vécu près de vingt ans à Shanghai, il vit aujourd’hui à Pékin. La capitale chinoise est le cadre de son nouveau roman Une Chinoise ordinaire, paru en 2014, dans lequel l’auteur français revient sur ce pays qu’il place au centre de ses œuvres. C’est à travers la voix d’Ai Guo, jeune prostituée prête à tout pour percer, qu’il nous montre les bouleversements de cette société en mutation et les différents aspects de cette modernité qui attire les Occidentaux autant qu’elle les rebute.

Alors que la Promesse de Shanghai, son premier roman, se glissait dans la peau d’un "mingong", l’un de ses travailleurs urbains misérables sans droits ni reconnaissance, il nous offre cette fois-ci, avec Camarade Wang achète le France (Phébus, 2016), une satire experte. De quoi rire à gorge déployée mais aussi frémir. Et si c’était là notre réalité ?


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Camarade Wang achète le France

Phébus - 2016

Wang Desheng, vice-Ministre du Commerce de la République populaire de Chine, est en visite en France. Sa garde rapprochée ? Huit collaborateurs et six très jolies camarades de lit. Son objectif ? Faire ses courses dans le pays, comme dans un vaste discount center. Rien ne l’arrête, et surtout pas les scrupules. Ni le peu de résistance de ses interlocuteurs français. La délégation profite allègrement de leur cupidité pour acheter entreprises, hôtels, terres agricoles...
Jusqu’à ce qu’une belle universitaire croise la joyeuse équipe. Elle rêvait d’être interprète, juste le temps d’une cérémonie. Mais quand les raviolis à la chair de crabe sont délectables, on n’hésite pas à se resservir.
Après vingt ans dans le monde chinois, Stéphane Fière nous offre une satire experte. De quoi rire à gorge déployée mais aussi frémir. Et si c’était là notre réalité ?


Revue de presse :