CHALIAND Gérard

France

16 mars 2016.
 
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L’histoire de ce grand aventurier, bourlingueur infatigable, force l’admiration. À quatre-vingt ans, Gérard Chaliand se pose en "observateur-participant" sur toutes les lignes de front et les maquis, au coté des mouvements de libération du monde entier... On le croise en Afrique noire, au Sénégal, au Mali, en Guinée Bissau au moment de la lutte pour la décolonisation, on le retrouve "au nord-Vietnam pendant les bombardements américains, en Colombie avec les FARC, avec le Fatah de Yasser Arafat, le FPLP de Georges Habache, au Cachemire, aux Philipines, avec la New People’s Army, en Irak avec les Kurdes..." Une expérience incroyable, riche et intense qu’il a choisi de partager dans ses Mémoires, dont le second volume parait chez le Seuil en 2013.

Le désir puissant de parcourir le monde s’empare très tôt de lui. « À 16 ans, raconte-t-il, je me suis dit que jamais je ne travaillerais dans un bureau, de 8h à 6h. Et à 18 ans, j’ai décidé de bourlinguer. J’ai quitté la maison sans le consentement de mes parents, je leur ai laissé un petit mot pour dire que je partais deux jours, et je suis revenu six mois après. » Six mois durant lesquels le jeune homme fugue vers l’Algérie, poussé par une soif insatiable de voyager et une curiosité à l’égard des autres cultures. De retour en France, il s’inscrit à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, étudie l’histoire, le russe, l’arabe, puis enchaine sur un doctorat en sociologie politique, avec une thèse intitulée "Les Révolutions dans le Tiers Monde." Parallèlement, il publie un recueil de poèmes, La Marche têtue et prend, dès 1954, position pour l’indépendance de l’Algérie. « En 1960-1962, j’étais dans l’anticolonialisme, j’appartenais au réseau de soutien du FLN. Après l’indépendance, je suis reparti en Algérie. »

Son diplôme en poche, le revoilà donc sur les routes du monde où il mène ses enquêtes avec témérité. Gérard Chaliand a été l’observateur avisé de toutes les guérillas qui ont marqué l’histoire du XXe et XXIe siècle. « En principe, je suis observateur participant. Je ne me bats pas, mais si je suis encerclé, je ne me laisse pas carnarder ! » Son engagement au côté de tous les mouvements d’insurrection le conduit à croiser sur sa route Che Guevara, Massoud, Amilcar Cabral ou encore Yasser Arafat.

Ses expériences du terrain, de la guerre, du terrorisme et de la guérilla nourrissent ses recherches : l’homme a su s’imposer comme l’un des spécialistes majeurs des questions géostratégiques, des conflits armés et des relations internationales. Cet esprit indépendant a ainsi publié une vingtaine d’ouvrages géopolitiques de référence. Successivement maître de conférences à l’ENA, enseignant à l’École supérieure de guerre, puis directeur du Centre européen d’étude des conflits, il est actuellement conseiller auprès du Centre d’analyse et de prévision du ministère français des Affaires étrangères, et professeur invité dans de nombreuses universités. En 2009, il reçoit le prix Vauban, prix destiné à récompenser une œuvre ayant contribué à la promotion, à l’illustration ou au développement de la défense. Il a également participé à plusieurs reprises aux excursions scientifiques du navire "La Boudeuse" avec Patrice Franceschi.

Et Gérard Chaliand ne s’arrête pas : il partage aujourd’hui son temps entre ses brefs séjours à Paris et ses voyages à travers le monde, animé par sa volonté de rendre compte des événements internationaux et des bouleversements qui agitent la planète.

Pour dire le monde, cet auteur éclectique s’ouvre aussi à d’autres modes d’expression. Derrière la figure du polémologue se cache en effet celle du poète. L’œuvre de Gérard Chaliand ne se limite pas aux ouvrages scientifiques, mais s’aventure aussi du côté de la littérature. Il publie deux recueils de poèmes, La Marche têtue, suivie de Feux Nomades. Polygraphe, il touche également au théâtre avec une pièce intitulée Slovik le déserteur. En 2003, paraît Mémoire de ma mémoire, recueil de textes qui explorent l’histoire intime de sa famille. Il se fait alors passeur de mémoire pour donner écho à la tragédie transmise par son père, rescapé arménien du génocide. Une question centrale dans la vie de l’auteur, qui avait déjà été l’initiateur de la tenue d’un "tribunal permanent des peuples sur le génocide arménien" à la Sorbonne en 1983.

La pointe du couteau, titre de ses Mémoires, livre donc un témoignage extraordinaire sur ses périples, depuis sa naissance en 1935 jusqu’au seuil des années 1980. Tout un monde défile sous nos yeux - celui de la Guerre froide, de l’OAS et du FLN, du Vietnam, de la décolonisation, de Mai 68… -, dont l’auteur témoigne aussi bien en tant qu’observateur qu’en tant qu’acteur.

En spécialiste de conflits armés, Gérard Chaliand signe successivement en 2015 plusieurs ouvrages : Histoire du Terrorisme : De l’Antiquité à Daech tente de cerner la spécificité glaçante de la terreur djihadiste de la nébuleuse Daech mais aussi le terrorisme dans son ensemble ; La question Kurde à l’heure de Daech, un ouvrage synthétique et éclairant, interroge les sources de ce nationalisme très particulier qui a vu les Kurdes lutter pour la reconnaissance de leur identité, voire de leur indépendance. G. Chaliand, qui arégulièrement séjourné au Kurdistan d’Irak depuis une quinzaine d’années et connait l’ensemble des États de l’espace kurde, propose ainsi de saisir les tenants et les aboutissants d’une question kurde désormais posée au cœur du brasier moyen-oriental.

Avec Pourquoi perd on la guerre ?, publié en ce printemps 2016, Gérard Chaliand ouvre le propos et analyse les derniers conflits dans lesquels l’Occident s’est engagé depuis plusieurs décennies. La profondeur historique du propos et la force de son analyse éclairent, notamment, l’imbroglio syrien d’une manière nouvelle.


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Pourquoi perd on la guerre ? : Un nouvel art occidental

Odile Jacob - 2016

Depuis le retrait du Vietnam, le bilan militaire de la puissance américaine et de ses alliés occidentaux est sans conteste négatif : conflits coûteux, résultats militaires médiocres, conséquences politiques désastreuses.

Conjuguant l’histoire, la géopolitique et l’observation du terrain, Gérard Chaliand rappelle quels étaient les ingrédients de la victoire – et donc les raisons actuelles de l’échec, notamment au Moyen-Orient.

Voulons-nous vraiment gagner ces guerres ? À quel prix ?

« Dans cet essai percutant, Gérard Chaliand jette un regard lucide et décapant sur les interventions militaires occidentales […]. La profondeur historique de sa vision et la force de son analyse éclairent d’un jour nouveau l’imbroglio syrien. » Hubert Védrine.

« Le livre-choc de Gérard Chaliand arrive à point nommé. Il appelle au sursaut immédiat : les peuples occidentaux ne sont pas condamnés à l’éternelle défaite ! » Général Vincent Desportes.