Boul Fallé, la voie de la lutte

(Rama Thiaw, Wassakara Production & Banshee Film, 2009, 71’)

4 mai 2011.
 

Alors que, dans les années 1990, la jeunesse sénégalaise se trouve marginalisée par des mouvements de grèves dans l’enseignement supérieur qui vont aboutir à la fermeture de nombreux départements universitaires et à l’invalidation des examens, se forme le mouvement Boul Fallé.
Victimes du désengagement de l’État, désœuvrés, les jeunes de la classe moyenne vont trouver dans le rap et la lutte de frappe le moyen d’exprimer leur rage et leur frustration.
Le groupe Positive Black Soul et l’écurie de lutteurs Boul Fallé porteront l’étendard de ce mouvement incarné par une prise de position sociale fondée sur l‘auto-responsabilisation. En 1994, le morceau Boul Fale des Positive Black Soul (« T’occupe pas » en wolof), qui deviendra un véritable hymne du mouvement, va porter pour la première fois la critique populaire de l’institution gouvernementale et inscrire le rap sénégalais dans sa destinée politique. La digue est ouverte, ils seront des milliers à se déclarer rappeurs et porte-parole de la jeunesse engagée.


Rama Thiaw fait partie de cette jeune génération de cinéastes issue des grandes mégalopoles africaines bouillonnantes, et qui revendiquent leur appartenance à une certaine culture urbaine.
Avec son premier long-métrage, elle restitue l’énergie et les codes esthétiques de la jeunesse sénégalaise tout en se réappropriant la lutte traditionnelle et la remettant au goût du jour.

Cette étonnante alliance du hip-hop et de la tradition pose les marques d’un cinéma africain de la continuité, épousant les valeurs de la modernité comme celles du passé. Rama Thiaw se fait proche des corps, travaille les couleurs et les bruitages dans les combats, mélange les musiques pour élargir les références en ajoutant au rap et au mbalax, de la musique tzigane.
Tout en développant une trame dramatique autour d’un combat des chefs - deux écuries se font face à travers leurs champions - Rama Thiaw a choisi de raconter le mouvement Boul Fallé de l’intérieur, depuis son quartier Pikine situé dans la banlieue de Dakar. En suivant le quotidien des lutteurs, en allant au contact dans l’arène, en filmant les répétitions en studios des rappeurs, elle dresse un portrait rythmé des jeunes Sénégalais qui ont trouvé la lutte avec frappe et le hip-hop comme moyens d’expression. Pour redevenir ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être : de nobles guerriers.


IN ENGLISH

"Boul Fallé, The Wrestling Way"
In 1988, the Senegalese youth took to the streets to protest against President Abdou Diouf’s re-election. This was the first indication of a rift between the generations. The "Boul Fallé" movement, which means, “don’t give a damn and go ahead”, was born in this context. From its conception, Boul Fallé had specific means of expression : Hip hop music and wrestling with hits. Female director Rama Thiaw doesn’t describe the history of the movement, but she intends to show its energy. From the recording studios in the suburb Pikine to the sand arena, her camera takes us into the rhythm of men who have decided to become again what they used to be : noble warriors.


La bande annonce du film Boul Fallé, la voie de la lutte