COLIN Roland

France

10 avril 2018.
 

Ayant choisi de participer à l’aventure de la décolonisation africaine après la Seconde Guerre mondiale, Roland Colin est aujourd’hui un témoin précieux de ce tournant capital de l’Histoire contemporaine.

Né en Bretagne en 1928, élève de Léopold Sédar Senghor à l’École nationale de la France d’Outre-mer, Roland Colin est d’abord administrateur au Soudan français jusqu’en 1954 (expérience relatée dans Kènèdougou, au crépuscule de l’Afrique coloniale). Il se retrouve ensuite affecté au Sénégal, où il vivra huit années cruciales, à des postes-clés : au cabinet du Gouverneur, puis à celui de Mamadou Dia, premier chef du Gouvernement de l’Autonomie, jusqu’à l’Indépendance.

Acteur-témoin, jouissant de la confiance amicale des deux figures de proue sénégalaises de cette étape historique déterminante, il a vécu successivement la transition coloniale, l’émergence des nouveaux pouvoirs, la lutte contre la « balkanisation », l’éclatement de l’éphémère Fédération du Mali, la politique pionnière d’un « socialisme africain » humaniste, puis, en 1962, la crise et la rupture douloureuse entre Senghor et Dia, les douze années de prison cruelle frappant ce dernier, et enfin sa libération au prix d’une longue médiation que lui confient les « frères séparés ».

En 1964, il co-dirige l’IRAM (Institut de Recherches et d’Applications des Méthodes de développement) puis succède au père Lebret à la tête de l’IRFED (Institut international de Recherche et de Formation en vue du Développement harmonisé). De 1982 à 1986, il prend la direction du Centre international pour le développement social et la santé communautaires (CIDESSCO) sous la tutelle du ministère de la Coopération. De 1986 à 1993, il est chargé de mission et enseignant à la Fondation nationale des Sciences politiques à Paris. Docteur d’État sous la direction de Georges Balandier, il enseigne ensuite à l’École des hautes études en sciences sociales, puis aux universités de Paris VIII et de Paris III.

Roland Colin se consacre aujourd’hui à l’écriture. Mémoires de mon enfance bretonne, son dernier ouvrage paru en 2013, revient sur les traces et les souvenirs de son passé au regard de son expérience africaine. Il publie cette année chez Présence africaine La Toison d’or de la liberté, un passionnant essai qui fait entendre la parole des acteurs témoins de cette longue et fascinante histoire que nous avons en partage avec l’Afrique, qui habite notre présent et interpelle notre futur.

Bibliographie :

Présentation de Mémoires de mon enfance bretonne

Fils d’un Breton "monté à Paris" en 1920, Roland Colin est élevé à Guipavas par sa grand-mère, Marig ar Rouz. Ballotté entre son Finistère et Paris où ses parents se sont installés, l’auteur est aussi témoin, dès le plus jeune âge, de la vie de ces Bretons déracinés de leur terroir. Mais le modèle de Roland, c’est sa grand-mère auprès de laquelle il passe l’essentiel de son enfance. Cette étonnante paysanne léonarde a côtoyé la "princesse russe", une fille du village qui avait épousé le cousin du tsar Alexandre II, elle a vu aussi le cirque américain de Buffalo Bill et ses Indiens se produire à Brest en 1889 ! Tant d’histoires extraordinaires qui semblent presque impossibles dans ce qui est alors un bout du monde oublié.
Ce livre nous fait revivre aussi la Bretagne du XXe siècle, la vie rurale, l’Occupation et la réduction de la poche de Brest, la vie au collège et la JEC, et tant d’autres choses encore. Il nous montre surtout que posséder une double culture est une vraie richesse : en réalisant sa vie professionnelle sur le continent africain, Roland Colin devient l’élève de Senghor, et découvre avec surprise un monde paysan proche de l’univers de Marig ar Rouz.


Présentation de Sénégal notre pirogue

Le Sénégal où furent jetées les premières bases coloniales africaines de la France avec la fondation de Saint-Louis du Sénégal en 1659 a joué un rôle de premier plan, tant dans la colonisation mercantile et esclavagiste que dans l’exploitation impériale qui suivit, puis dans l’histoire contemporaine de la décolonisation. Cette histoire reste encore largement à écrire pour éclairer la recherche de voies nouvelles du développement et de la démocratie à l’heure de la
mondialisation.

L’ouvrage de Roland Colin qui fait suite à Kènèdougou au crépuscule de l’Afrique
coloniale
, décrivant la dernière étape du « temps des colonies », est une contribution majeure à ce dossier.
S’exprimant en auteur-témoin, Roland Colin retrace son histoire personnelle au sein de l’histoire englobante dans une approche, entre l’individuel et le collectif, que les historiens d’aujourd’hui accueillent avec un intérêt tout particulier comme en témoigne la stimulante préface d’Elikia Mbokolo, l’une des figures de proue de la nouvelle histoire africaine.
Élève de Senghor, son Maître d’initiation à la Culture et aux langues africaines, Roland Colin avait décidé de faire valoir ses convictions au service de la décolonisation, au sein même du système colonial sur le déclin, dans une voie que suivront de jeunes administrateurs africains s’érigeant en avant-garde de l’émancipation.
Après trois années d’apprentissage comme administrateur-adjoint en pays sénoufo du Soudan français – le Mali d’aujourd’hui – relatées dans Kènèdougou, il est affecté au Sénégal en janvier 1955 où sa nouvelle et grande aventure se déclinera en trois temps.


Présentation de Contes noirs de l’Ouest africain

Entré en 1948 à l’Ecole de la France d’Outremer, en vue d’accompagner de l’intérieur la décolonisation, Roland Colin eut Senghor comme professeur, et sous sa direction, il écrivit un mémoire sur les " Contes noirs de l’Ouest africain "- ouvrage pionnier, publié par Présence Africaine en 1957, visant à reconnaître à la littérature orale africaine ses lettres de noblesse. Reçu comme un ouvrage de référence, épuisé depuis de nombreuses années, Présence Africaine réédite cet essai à l’heure où se nouent des débats décisifs sur le droit à l’identité et à la diversité culturelle.


Présentation de Kènèdougou

Le Kènèdougou, « pays de la lumière », est le nom du royaume qui, dans les marches historiques de l’ancien empire du Mali, a mené le combat ultime contre l’armée coloniale française. La ville prestigieuse de Sikasso, symbolisant la résistance du peuple sènoufo, fut prise en mai 1898.Ce récit d’apprentissage, vibrant et sensible, porte témoignage du choc de sociétés et de cultures dont l’histoire convenue donne une image imparfaite dans la vision des hommes d’aujourd’hui. Très rapidement, il a la conviction que les problèmes du présent ne prennent sens que si l’on en recherche les racines dans les rendez-vous manqués d’hier.


 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

La toison d’or de la liberté

Présence africaine - 2018

Le temps qui vient fera de l’Afrique un protagoniste de premier rang par son poids démographique, ses richesses naturelles, ses espaces sociaux et culturels, et l’on peine aujourd’hui à saisir cette présence africaine dans le monde, brouillée par les guerres, les génocides, les flux migratoires, les conflits politiques. Nous avons cependant une grande histoire commune : la colonisation et la mutation qui a conduit à la libération des peuples en quête de démocratie et de développement. Il est plus que jamais nécessaire d’entendre la parole des acteurs témoins de cette longue et fascinante histoire qui habite notre présent et interpelle notre futur.
Roland Colin est l’un de ces témoins qui, à travers le récit d’un parcours d’exception, nous convie au partage d ‘expériences qui touchent au plus vif nos problèmes du présent. Sensible dès sa jeunesse bretonne à la rencontre des cultures, il s’engage dans la découverte des humanités africaines à l’écoute de son maître Léopold Senghor et s’implique dans la grande aventure de la décolonisation, cette conquête de la liberté, précieuse « Toison d’or » qui doit affronter vents et marées. Il nous montre à quel point la grande transformation africaine, où tout est à imaginer, à construire, à défendre, s’apparente en profondeur à la mutation à l’œuvre dans les peuples de la vielle Europe en quête de nouvelles gouvernances, de nouvelles démocraties. La participation, le métissage des cultures, la greffe entre le monde des racines et l’effervescence des développements créatifs, sont au cœur de ces étapes que l’auteur nous rapporte dans le langage littéraire d’un conteur soucieux de coller au réel. Et l’on voit se dresser ainsi la stature de quelques-uns de ces « passeurs de frontières », à travers des épreuves, des drames, et aussi d’éclatantes démonstrations d’humanité, dans ces terres à la fois proches et lointaines qui se nomment Algérie, Sénégal, Mali, Niger, Madagascar, Rwanda, Tchad, Guinée-Bissau et quelques autres, à l’épreuve des libertés nouvelles. Le maître-mot est alors l’éducation inscrite au cœur de la vie, ce que les conquérants modernes de la « Toison d’or » de la liberté nomment « l’Animation ».
Souleymane Bachir Diagne, le grand philosophe sénégalais, professeur à l’Université Columbia, dans une préface sensible, campe l’auteur comme un « traducteur » entre langues, cultures, sociétés : une fonction répondant à l’exigence des temps présents.