Le Jardin d’Aboli

Nouvelle écrite par Lana SCRAVAGLIERI en 5ème au collège Louis Blériot, Levallois-Perret (92)

4 mai 2011.
 

Le Jardin d’Aboli

Pourtant, ce matin-là, Anna, lisant pour la énième fois « Les Contes Des Milles Et Une Nuits » à Gabrielle dans le fameux rayon, fût surprise par le silence et l’absence d’odeurs. À cette heure-ci, le marché de Shalingappa était très bruyant et les odeurs de thé et d’épices filtraient entre les livres. Mais non, pas ce jour là. Ce jour là, tous les bruits et toutes les odeurs s’étaient évanouis. Inquiète, Anna se leva et glissa un regard entre les livres. La panique l’envahit. Elle regarda à tous les niveaux du rayonnage, mais en vain. Derrière les livres il n’y avait que du bois, celui du fond de l’étagère. Lorsqu’elle chercha affolée au dernier étage du meuble au raz du sol elle trouva enfin le passage tant espéré.
Gabrielle, qui était jusqu’alors restée dans sa carapace, sortit sa petite tête verte et rampa sur le sol de terre. Anna regarda la petite tortue se mouvoir lentement puis rentrer de nouveau dans sa carapace. Soudain elle se sentit tirée dans l’ouverture comme un aimant. Elle tenta de résister mais une douleur la prit à la poitrine comme si quelque chose voulait sortir de son corps.
Quand la douleur s’évanouit, Anna marchait le long des étales du marché. Elle voulut s’arrêter mais ses jambes refusèrent de lui obéir. Elle n’arrivait plus à faire le moindre geste malgré toute sa volonté. Contre son gré, elle continua donc à avancer, un panier à la main. Lorsqu’elle s’arrêta devant un marchand de fruits, elle parla dans une langue qui lui était à la fois étrangère et familière. Le marchand lui répondit dans la même langue avant de lui donner des dattes qu’elle glissa dans le panier. Puis, elle prit dans son sac en bandoulière des petites pièces jaunes et les donna au marchand. Elle remarqua alors avec stupeur que son bras était brun. Le marchand lui parla encore dans cette langue mystérieuse et elle répondit. La première fois que les mots étaient sortis de sa bouche elle était trop surprise par la langue et n’avait pas fait attention à sa voix. C’était une petite voix calme et douce. Anna était tellement absorbée dans ses pensées qu’elle ne s’était pas rendue compte qu’elle avait repris sa marche. Elle passa un temps infini à sillonner les étalages et à parler avec les passants.
Enfin, elle entra dans une petite maison à la porte bleue. À l’intérieur, il faisait frais et une agréable odeur de thé flottait dans l’air. Finalement, elle décida de se laisser porter dans ce pays inconnu, où de toute manière, elle ne pouvait communiquer avec personne.

Elle sourit, une larme coula sur sa joue. Elle se leva et rentra cher elle. Quand elle ouvrit la petite porte bleue, l’aube pointait à l’horizon. Dans le jardin, elle trouva sa petite sœur à genoux devant le carré d’aboli. Elle s’assit à côté d’elle et la prit dans ses bras.
Quand Anna ouvrit les yeux elle était dans la bibliothèque, le livre ouvert sur les genoux, Gabrielle à côté d’elle. Elle remit en ordre ses cheveux emmêlés dans ses lunettes sans trouver la fleur.