Rêve ou réalité

Nouvelle écrite par Nathan Monfroy, en 5ème au collège Perrot d’Ablancourt, Châlons en Champagne (51)

6 mai 2011.
 

Rêve ou réalité

Quand cette fameuse histoire lui arriva, Anna savait depuis au moins un an et demi que le dernier rayon de la bibliothèque de sa grand-mère, à Paris, ouvrait directement, quand on écartait les livres, sur la petite place du marché de Shalingappa dans le sud de l’Inde. Mais Anna n’aimait pas l’aventure, comme son inséparable amie Gabrielle dont le fait le plus héroïque était de sortir la tête de sa carapace, une ou deux fois par jour, pour affronter le monde et manger des endives. De temps en temps, pourtant, traversant la pièce, Anna osait glisser le nez entre les livres et sentir avec délice le parfum moite du safran ou écouter battre la pluie de mousson. Ses lunettes en sortaient tout embuées. Pourtant, ce matin-là, quand Anna se réveilla, rien ne semblait anormal. Elle mit sa jupe et sa chemise préférée. Puis, elle alla vers la cage de Gabrielle mais, quel malheur ! Elle n’était plus là ! Quelle mésaventure avait subie la pauvre tortue ? Affolée et en larmes, la jeune fille dévala les marches et courut jusque dans la salle à manger en criant ;
« Grand-mère, Gabrielle a disparu. Aide-moi à la retrouver s’il-te-plaît. »
Mais elle n’eut comme réponse que le bruit du sèche-linge. Elle chercha dans toutes les salles même celles que sa grand-mère lui avait interdites. Elle ne trouvait pas sa tortue chérie et elle fut subitement prise d’angoisse : sa grand-mère avait aussi disparu ! Quel malheur avait pu croiser les chemins de ses proches ? Et subitement, une idée lui vint :
« Je n’ai pas regardé dans la bibliothèque. »
Mais quand elle y arriva, elle fut consternée : la bibliothèque était intacte sauf le dernier rayon. Le soleil remplissait la pièce et un mélange des parfums du marché de Shalingappa frappait ses sens. Elle avançait d’un pas hésitant et vit une feuille d’endive par terre.
« Ma chère Gabrielle, pourquoi es-tu partie ? Es-tu avec Grand-mère ? Pourquoi m’avez-vous abandonnée ? »
Elle commença à sangloter. Mais, les parfums du marché mirent fin à ses sanglots en l’invitant à s’avancer. A ce moment, faisant preuve de la plus grande bravoure de sa vie, elle mit un pied sur l’étagère puis l’autre et traversa.
Tout de suite elle fut éclaboussée par un groupe de petits enfants qui jouaient avec des poudres de toutes les couleurs. D’un coup, les enfants chantèrent en chœur :
« On t’a eu, on t’a eu,
On t’a mis plein d’ poudres dessus
Maintenant que t’es toute colorée
Tu peux venir avec nous jouer ! »
Et bizarrement, Anna, au lieu de s’énerver, rigola, chanta et même joua avec ses petits assaillants. Elle était si contente qu’elle en oublia ses chers êtres perdus. Malheureusement, elle dut annoncer aux enfants :
« Excusez-moi s’il-vous plaît, mais je suis venue ici à la recherche de deux personnes très précieuses à mes yeux. A mon plus grand regret, je dois partir. Au revoir et à une prochaine fois, j’espère », soupira t-elle en s’éloignant.
Elle avança dans le marché, fascinée par les marchands, par leur vente mais surtout par l’impression d’une franche camaraderie entre chaque personne présente. Après avoir marché assez longtemps, elle regarda sa montre et pensa :
« Je commence à avoir faim. Comment est-ce-que je peux faire pour manger : je n’ai pas d’argent et je ne veux pas voler non plus ».
Elle décida quand même d’essayer de trouver à manger. Anna marcha une dizaine de minutes quand soudain elle fut frappée par une odeur : une odeur d’épices, une odeur de viande et de pâtes frites. Elle fut soudainement transportée comme par magie devant une échoppe toute dégradée, tombant en ruines mais avec au milieu, derrière le comptoir, un homme. Un homme âgé d’une soixantaine d’années. Un homme qui sourillait et qui criait d’une belle voix :
« Ils sont bons mes samosas ! Venez mangez mes samosas ! »
Et à ce moment, Anna eut pour la première fois de sa vie, depuis sa rencontre avec Gabrielle, un sentiment d’attachement à une personne.
Elle s’approcha de l’homme et commença à discuter :
« Bonjour Monsieur.