La couronne sacrée

Nouvelle écrite par Siloë GEORGE, élève de 4° au collège du Bois de la Barthe de Pibrac (31)

6 mai 2011.
 

La couronne sacrée

Pourtant ce matin là, lorsqu’elle s’avança vers la bibliothèque, elle ne sentit plus l’odeur de safran mais fut envahie par le sentiment qu’une chose bizarre allait se produire. Tout d’abord épouvantée, elle s’arrêta quelques minutes. Gabrielle, à ses côtés, était sortie de sa carapace, alors qu’elle n’avait aucune endive à manger à proximité. Tout cela était bien étrange… C’est alors qu’une tempête de sable, s’engouffrant entre les livres de la bibliothèque, aveugla Anna qui tourbillonna plusieurs fois sur elle-même. Quand le calme fut revenu, Anna s’aperçut qu’à côté d’elle un garçon indien, à peu près de son âge, la regardait. Il était accompagné d’une petite tortue qui possédait un petit point rouge sur son front.
Il lui parla et elle comprit ce qu’il disait comme si il parlait français... Elle se rendit compte qu’il parlait bel et bien français avec un léger accent indien. Il avait de beaux yeux verts, et ses cheveux noirs cachaient son front, comme la coupe de la plupart des garçons en France, ce qui la fit rire.

Anna était totalement désorientée, toutes ces choses étaient arrivées si rapidement ! Sa vie, elle le savait, ne serait désormais plus la même. Shan lui avait paru tellement désemparé qu’une force impérieuse la poussait à accepter cette étrange mission, même si elle devait pour cela sortir de chez elle et affronter le monde extérieur pour la première fois. Même si tout cela faisait beaucoup ! Dans un dernier espoir, elle se demandait si tout cela était bien réel ou si elle allait se réveiller et que tout allait se remettre en ordre. Mais, elle avait beau se pincer, rien à faire ! Elle dût se résoudre à croire tout ce qui venait de se passer. Au début elle refusa de partir avec un inconnu : et si tout cela n’était qu’un piège ? Si tout cela était complètement faux et que l’on se jouait d’elle ? Mais le garçon avait l’air sérieux, il ne plaisantait pas. Elle lui demanda de lui accorder cinq petites minutes pour prendre quelques affaires et mettre un mot sur le frigo pour ses parents :
« Je suis allée chez Sarah pour faire nos maths et pour jouer avec elle. Je reviendrai dans la soirée. Gros bisous ! Anna. »
Au moins ses parents ne s’inquièteraient pas trop. Elle n’avait plus qu’à espérer que son escapade indienne ne dure pas trop longtemps… Elle prit un chapeau, des lunettes de soleil, de la crème solaire, ses nu-pieds... et son courage à deux mains. Shan lui prit la main et il sentit qu’elle avait peur, il la rassura. Pendant ce temps, Gabrielle regardait fixement le point rouge sur le front de la tortue indienne qui se nommait Jñāna (sagesse). Celle ci rigolait, elle lui expliqua ce que cela signifiait. Puis elles commencèrent à bavarder comme des pipelettes. Elles avaient l’air de s’entendre à merveille. Shan entraîna Anna vers la bibliothèque et ils écartèrent les livres ; ils s’infiltrèrent d’un même élan entre les livres et ... arrivèrent sur la place de Shalingappa où s’agitait une foule colorée. Il faisait beau, un grand soleil resplendissait dans le ciel mais quelque chose parut bizarre à Anna. Elle chercha ce qui pouvait manquer dans ce magnifique décor. Soudain, elle comprit, le marché de Shalingappa avait été déserté par tous les marchands d’épices, aucune odeur, même pas celle du safran, qu’elle aimait tant. Toutefois, elle ne chercha pas à comprendre car Shan lui expliquait déjà où se trouvait le repère des tortues sacrées. Tout à coup, Gabrielle et Jñāna commencèrent à s’agiter frénétiquement. Anna aperçut alors des chevaliers hissant un drapeau sur lequel était dessiné un dragon et elle comprit aussitôt qu’il s’agissait des serviteurs de Darshan appelés Śūravīra. Shan aussi les avait vus. Ils se dirigeaient au grand galop vers le repère des tortues et Anna prit peur. Il fallait réagir, et vite ! Elle respira un bon coup, dit aux tortues de se dépêcher, empoigna la main de Shan, l’entrainant dans une course d’une extrême rapidité. Heureusement, Shan connaissait bien les raccourcis au travers des ruelles de Shalingappa et ils eurent vite fait d’atteindre les contreforts de la montagne. C’est alors que Shan trébucha sur une grosse racine épineuse et ne put s’empêcher de pousser un cri. Alerté, un chevalier s’approcha. Anna comprit qu’ils allaient se faire repérer, alors elle ordonna aux tortues d’aider Shan à se relever pendant qu’elle s’occuperait du Śūravīra. Elle passa à l’action : elle attira l’attention du cheval et, par la pensée, lui ordonna de se cambrer pour projeter son cavalier dans le fossé. Le cheval, comme par enchantement fit ce qu’elle lui demandait. Et ni vu ni connu, elle rejoignit Shan qui, entre temps, s’était relevé, et ils se remirent à courir. Le petit chemin qu’ils avaient emprunté était rempli de sable et parsemé de quelques brindilles de pin. Ils gravissaient une pente raide et parvinrent sans trop de peine au sommet d’une falaise escarpée. Enfin, ils arrivèrent devant une faille, à peine plus grosse que Gabrielle, qui menait tout droit au royaume des tortues où la Couronne était encore en sécurité mais jusqu’à quand ? Shan posa sa main sur une pierre d’un rouge écarlate et la faille s’ouvrit instantanément sur une large avenue bordée de ginkgos bilobas sur laquelle ils s’engagèrent. Ils avaient à peine fait quelques pas qu’ils découvrirent devant eux une petite salle chaleureusement éclairée par les lueurs de mille bougies multicolores. Au milieu, entourée de trois tortues, la Couronne étincelait, posée sur un coussin de velours pourpre. Elle était magnifique, toute en or avec des dessins de tortues sur tout le contour. Shan s’inquiéta de ne voir que trois tortues, habituellement elles étaient plus de cent à garder la Couronne. La plus vieille d’entre elles, lui expliqua que ses congénères étaient parties chercher une certaine Anna, en France, qui seule, pouvait porter la couronne et les aider à vaincre Darshan. Anna ne comprit pas très bien en quoi ils avaient tellement besoin d’elle mais dit :

A peine la tortue avait-elle terminé de parler, qu’un bruit assourdissant retentit. Une explosion avait fait voler en éclat la faille qui laissait maintenant la place à un amoncellement de débris de toutes sortes dans un nuage de poussière épaisse. Dans cette semi-obscurité apparurent des dizaines de chevaux au galop, les Śūravīra !
Shan entraîna Anna dans un recoin plus obscur pour qu’elle s’y cache. Les tortues, quant à elles, prirent la couronne et la mirent dans un lieu sûr, connu d’elles seules. Gabrielle, terrorisée, les avaient suivies, aussi vite qu’elle l’avait pu. Shan et Anna étaient tous deux blottis, l’un contre l’autre, sans oser respirer. Mais c’était sans compter sur les pouvoirs magiques du cruel Darshan qui eût tôt fait de les apercevoir. Il se dirigeait vers eux à toute allure, commandant à ses cavaliers de les attraper. Shan et Anna n’eurent pas le temps de s’enfuir, déjà, les soldats les encerclaient, menaçants. Darshan donna l’ordre de les attacher ensemble, dos à dos, et fixant sauvagement Anna de son regard terrible, il lui dit en riant :

C’est l’instant, que choisirent les tortues pour prévenir toutes leurs amies, que se soit de France ou d’Inde. Toutes étaient aux rendez-vous. La vieille tortue reprit la parole, d’une voix encore plus émue : « Nous te remercions, Anna, de nous avoir rendu notre liberté. Il te reste toutefois encore un geste à accomplir : sans doute, vas-tu devoir nous quitter bientôt, pour retourner dans ton pays et il n’y aura alors personne sur ton trône…sauf si tu choisissais quelqu’un pour te marier, quelqu’un qui, alors, pourrait veiller sur nous en attendant ton retour parmi nous, un jour… »
Anna, interloquée par ces propos, ne dit rien et resta songeuse.
C’est alors que Shan, d’une voix très douce, dit « Anna, j’ai appris à te connaître, et… je t’aime, ne crois-tu pas que nous pourrions nous marier, je t’attendrai tout le temps nécessaire, je te le jure. ».
Anna réfléchit longuement, sa tête bourdonnait, des tas de pensées se bousculaient et s’entrechoquaient ! Et finalement, il lui sembla que cela était une bonne idée, qu’ainsi elle accomplirait sa tâche jusqu’au bout. Surtout, elle savait bien que Shan avait pris son cœur, qu’elle éprouvait de l’amour pour lui. Elle regarda bien fixement la vieille tortue, puis Shan, puis Gabrielle qui souriait et d’une voix claire et limpide annonça qu’elle acceptait la proposition de Shan. Les tortues applaudirent provoquant un vacarme assourdissant et résonnant sous leurs carapaces.
Dans l’instant même, les villageois et les amis affluèrent en grand nombre pour participer à la cérémonie de ce mariage royal, partageant le bonheur d’Anna et de Shan. Déjà, ils étaient tous deux en train d’ouvrir le bal, quand, tout à coup, le téléphone portable d’Anna sonna, (bizarre pour la musique d’ouverture du bal). Anna comprit de suite ce qui se passait et s’absenta un court moment. C’était un SMS de sa mère :
« Chérie, c’est l’heure d’aller chez l’orthodontiste, tu vas rater ton rendez vous. »
Anna se souvint alors qu’elle devait se faire poser les bagues aujourd’hui. Elle dut expliquer à Shan qu’il fallait qu’elle s’en aille vite et elle lui jura de revenir juste après pour finir la cérémonie.
Shan lui montra la sortie, l’embrassa et fit patienter les invités, tortues, villageois et amis, en improvisant un jeu.
De retour chez elle, Anna, la tête dans les nuages, dut aller chez l’orthodontiste et faire comme si elle venait de réviser ses maths avec Sarah en attendant , bien sûr, de pouvoir, le plus vite possible, retrouver la bibliothèque de sa grand-mère, d’où, désormais, elle pourrait rejoindre Shan et tout ce monde extraordinaire qui lui faisait si peur encore quelques heures auparavant.

FIN