LAHENS Yanick

Haïti

14 septembre 2021.

En visio

Grande figure de la scène littéraire haïtienne, Yanick Lahens s’est toujours attaquée sans complaisance aux dures réalités caribéennes, tout en s’impliquant activement dans la vie sociale culturelle d’Haïti et le combat contre l’illettrisme. Elle occupe sur la scène littéraire haïtienne une position très singulière par son indépendance d’esprit et l’autorité que lui confèrent ses actions de terrain. Très proche amie du festival, cette autrice lauréate du prix Femina 2014 pour Bain de lune revient cette année avec L’Oiseau Parker dans la nuit, une saisissante histoire d’amour, d’impossible et de musique. Ce recueil de textes dépeint avec la justesse qu’on lui connaît le quotidien haïtien. La netteté de son style, la force d’émotion et le souffle poétique qui s’y déploient témoignent de la puissance et de l’importance de l’œuvre.

« La francophonie, c’est un espace de négociation politique et économique, de la France avec un certain nombre de pays ; moi ce qui m’intéresse, c’est le monde francophone. L’aspect culturel. La France a rencontré un certain nombre de populations ; qu’est-ce que ces populations ont fait de la langue française et de la culture française ? On trouve de la culture française dans le vaudou… » (France Inter)

 

Longtemps professeur de littérature, mais aussi journaliste, Yanick Lahens consacre aujourd’hui une grande partie de son temps à une fondation destinée à former les jeunes générations aux stratégies de développement durable.

Née à Port-au-Prince en 1953, elle termine ses études à La Sorbonne à Paris. De retour en Haïti elle enseigne à l’Ecole Normale Supérieure et multiplie les activités : journaliste, elle collabore à de nombreuses revues tels que Chemins critiquesCultura a animé l’émission « Entre nous » sur Radio Haïti Inter ; un temps éditrice aux éditions Henri Deschamps, membre fondatrice de l’association des écrivains haïtiens qui combat l’illettrisme en organisant des lectures et rencontres dans les écoles du pays et membre du Conseil International d’Etudes Francophones elle a également intégré le cabinet du ministre de la culture aux côtés d’un autre grand écrivain haïtien, Louis-Philippe Dalembert, de 1996 à 1997.
Toujours impliqué dans l’histoire et la vie de son pays elle dirige, en 1998, le projet La route de l’esclavage qui interroge, par la science et les arts, l’histoire de l’esclavage.

Vers la fin des années 80, Yanick Lahens se lance dans l’écriture. Tout d’abord des essais sur la littérature, comme celui qu’elle consacre à l’écrivain haïtien Marie Chauvet. C’est en 1990 qu’elle est remarqué lors de la publication d’un essai sur l’exil considéré comme un élément important de la culture haïtienne, notamment dans la littérature, intitulé L’exil : entre l’ancrage et la fuite, l’écrivain haïtien. Après avoir publié deux recueils de nouvelles (Tante Résia et les dieux et La petite corruption, paraît son premier roman Dans la maison du père qui est salué par la critique et récompensé par le Prix Millepage en 2008 et le Prix RFO en 2009. Bildungsroman dans les tourments de la révolution haïtienne de 1945.

Après ce premier succès, elle décide d’écrire un roman d’amour en 2010 qui se trouve balayé par la violence du séisme. Déambulant dans Port-au-Prince engloutie, elle prend des notes pendant huit mois sans trop savoir ce qu’elle en fera jusqu’à ce que s’impose à elle le mot "failles" : « Un mot trou noir. Un mot sang. Un mot mort », qui devient le titre de son livre publié en décembre 2010. Cette oeuvre est un texte de combat et d’urgence, mais aussi de compassion. Failles indique que celle du séisme ne doit pas masquer les autres failles, sociale, politique, et économique qui dévastent son île depuis des décennies.
Son projet d’écrire un roman d’amour, celui qu’elle avait laissé sur le bord de la route, se concrétise trois ans après le séisme qui a touché Port-au-Prince sous le titre Guillaume et Nathalie(2013). Ces deux personnages, déjà présents dans le dernier chapitre de Failles réalise leur "histoire de séduction et de corps" dans ce roman d’une beauté grave.

Presqu’un an aprés l’élection de Dany Laferrière à l’Académie française, Yanick Lahens se voit décerner le titre d’officier des Arts et des Lettres par l’ambassadeur de France en Haïti. La même année, son quatrième roman Bain de lune— fruit d’années de travail — est consacré par le Prix Femina 2014. Elle présente dans cette chronique, violente et poétique, un conflit opposant deux familles ennemies les Lafleur et les Mésidor, sur trois générations, dans un village côtier en Haïti qui s’étend à la politique du pays. En dévoilant la beauté de la tragédie qui réside dans ce petit espace de la Caraïbe, Bain de lune esquisse, dans un style direct et tranchant, la lutte des habitants aussi bien contre la politique des dictateurs que contre les colères de la nature exprimées par des tremblements de terre, des ouragans, des sécheresses…

Dans son roman Douces déroutes, elle continue d’ausculter Haïti et ses multiples facettes. Après l’évolution du milieu rural dans Bain de lune, Yanick Lahens explore ici la réalité de la capitale Port-au-Prince, personnage à part entière du roman : « une ville récemment pilonnée au mortier lourd ou à l’arme chimique. Noire, embrasée aux portes nord et sud, couvant ailleurs son feu. Ville gueule ouverte. Asphyxiée d’avoir avalé à chaque averse toute la rocaille, la boue et les détritus. Ville abandonnée à son agonie. » Un puzzle de personnage y prend place : épris de douceur, de tendresse, ou plongeant dans la sauvagerie et la haine, chacun est pris au piège de sa réalité. Tout à la fois polar et roman d’amour, Douces Déroutes nous dévoile progressivement leur intimité, d’une écriture vive, comme rythmée aux sons de Port-au-Prince. Avec acuité, le regard de l’auteure illumine les personnages et vient mettre à nu les paradoxes, les « douces déroutes » de Port-au-Prince et de ses habitants. Et comme Russell Banks l’affirmait déjà dans sa préface à l’édition américaine de Bain de lune : « Ce qui est indéniablement vrai des personnages de Lahens l’est indéniablement pour chacun d’entre nous. » Car avec sa poésie, si Yanick Lahens a composé un chant d’amour à Haïti, il résonne de façon universelle.

Cette autrice lauréate du prix Femina 2014 pour Bain de lune revient cette année avec L’Oiseau Parker dans la nuit, une saisissante histoire d’amour, d’impossible et de musique. Ce recueil de textes dépeint avec la justesse qu’on lui connaît le quotidien haïtien. La netteté de son style, la force d’émotion et le souffle poétique qui s’y déploient témoignent de la puissance et de l’importance de l’œuvre.


Bibliographie :

Bibliographie en Anglais

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

L’Oiseau Parker dans la nuit et autres nouvelles

Sabine Wespieser Éditeur - 2019

Tout comme L’Oiseau Parker dans la nuit – une saisissante histoire d’amour, d’impossible et de musique, adaptée pour RFI par la comédienne Mireille Perrier, qui l’a lue au festival d’Avignon en 2015 –, les nouvelles de ce recueil racontent la vie quotidienne en Haïti, les tragédies, les violences (urbaines ou rurales), les croyances séculaires, les femmes courageuses et les hommes endurants de cette île-monde que Yanick Lahens ne cesse de mettre en scène dans son œuvre.
Ce volume est composé des trois recueils parus à ce jour, essentiellement en Haïti, et indisponibles en France : Tante Résia et les Dieux (L’Harmattan, 1994) ; La Petite Corruption (Éditions Mémoire, 1999 ; Legs édition, 2014) ; La folie était venue avec la pluie (Presses nationales d’Haïti, 2006 ; Legs édition, 2015).
Ces textes, présentés ici dans l’ordre de leur publication, apparaissent comme la genèse de l’œuvre romanesque à venir – certaines nouvelles, à l’image de Bain de lune, ont du reste été la matrice de futurs romans. Leur écriture était déjà le témoignage de l’acuité, mais aussi de la tendresse, avec lesquelles l’auteure scrute la société où elle vit. Devenue une grande voix de la littérature de son pays, Yanick Lahens y annonçait, par la netteté de son style, par la force d’émotion et le souffle poétique qui s’y déploient, la puissance et l’importance de l’œuvre en cours.