L’assurance nouvelle

Nouvelle écrite par Camille Godinot, en 5ème au collège Louis Jouvet, Villeurbanne (69)

31 mai 2011.
 

L’assurance nouvelle

Elle avait une robe de soie écarlate avec des grelots d’argent aux manches. Un voile orangé, tombé de ses cheveux, couvrait ses jambes et ses chevilles nues. Elle était couchée par terre, recroquevillée. Les gens avaient accouru de partout, chargés de sacs, pour la regarder. Et moi, là-haut, au parapet de la seconde galerie, je me penchais comme tous les autres vers ce corps inanimé. J’étais sûrement le seul à reconnaître les vêtements de fête de
la cour de Pandajar, ce royaume disparu dont il ne restait rien d’autre que les miniatures peintes sur lesquelles j’avais travaillé une année entière au lycée, dans l’atelier du soir de Monsieur Bazire.J’ai dévalé le grand escalator qui traversait la verrière du centre commercial des Trois Platanes, dans le clignotement des sapins de Noël...

En arrivant en bas, je me faufilai parmi la foule. Je reçu quelques coups avant d’arriver jusqu’à elle...Était-elle morte ? Dans ce froid peut être, j’enlevai mes lunettes puis les mis devant sa bouche. Ouf, elle respirait !

« Ha ha ! C’est le binoclard qui passait des heures a étudier avec M. Zarbi ! », lança un garçon que j’identifiai comme le capitaine de l’équipe de foot de l’université.
Mais rien ne pouvait me distraire de la fascination qu’exerçait sur moi cette jeune femme : Elle était magnifique, ses traits fins exprimaient une étrange douceur. Ses cheveux noirs tombaient devant ses yeux qui... qui s’ouvrirent soudain. En reprenant ses esprits, elle prit conscience de ce qui l’entourait. Elle semblait très désorientée et se leva en jetant autour d’elle des regards apeurés.

Parmi l’attroupement, une bande de jeunes garçons, rassurés sur son état de santé, commençaient à se moquer d’elle :
« Pas de quoi tomber dans les vapes, tu ne sera pas en retard à ton bal costumé des mille et une nuits, il n’est que 17h00 ! »
Excédé par leurs réflexions, je ne pus me retenir plus longtemps : « Vous êtes idiots ou quoi, il y a quand même une différence entre la tenue de la princesse d’Aladin et le costume de la cour de Pandajar ! »

A l’instant où je finissais de prononcer ces mots, la jeune fille agrippa fermement mon poignet.

Le chef d’un groupe de garçon de mon ancien lycée lança
« Ha ha ! Laisse tomber l’intello de chez Zarbi ! Ce genre de filles n’aime pas les garçons comme toi ! »
Toute sa bande éclata de rire. Je n’avais jamais été un garçon turbulent, je ne voulait surtout pas répondre pour m’attirer des ennuis. La bagarre ce n’était pas vraiment mon truc. N’appréciant pas la foule, la mystérieuse jeune fille partit en courant sans me lâcher, d’abord déséquilibré je lui emboitai le pas en courant . Nous ne prîmes le temps de souffler qu’après avoir mis une bonne distance entre nous et l’attroupement, et être arrivé dans une rue moins fréquentée. Perpendiculaire à la mienne, cette rue n’abritait pas de boutiques et était déserte à cette heure de la journée.

Voyant son regard implorant, et brûlant de lui fournir toute l’aide nécessaire, je pris sa main et lui proposai à mon tour de me suivre chez moi, où j’espérais apprendre des choses plus précises à son sujet.

Mais en essayant de communiquer avec elle je m’aperçus qu’elle ne parlait pas notre langue. Qu’est ce que je pourrais apprendre d’elle si on ne se comprenait même pas ? Alors que je lui proposais un verre d’eau qu’elle refusa, je la vis prendre une feuille de papier et chercher quelque chose des yeux. Je devinai sa pensée et lui tendis un crayon. Ravie, elle commença à dessiner un symbole qui ressemblait à un soleil rayonnant qui avait l’air d’être posé sur une colline. Elle écrivit à coté Pandajar.

Je m’aperçus qu’elle utilisait le même alphabet que nous,il était alors fort probable que sa langue partage quelques racines avec le français ! Faisant du latin depuis quelques années déjà, je lui soumis quelques phrases simples, et ne pus cacher ma surprise et ma joie lorsqu’elle entreprit de me répondre :

Elle m’expliqua qu’elle était venue dans notre monde pour trouver de l’aide.
La reine de son royaume allait être détrônée par une femme avide de pouvoir dont les ambitions risquaient de faire courir Pandajar à sa perte. Elle cherchait le pouvoir mais quand elle l’obtiendrait, elle ferait tout pour en avoir plus encore, cette femme déclarerait des guerres qui provoqueraient la famines et des périodes horribles.

Avec M.Bazire, j’avais étudié les coutumes de Pandajar. La reine possédait un pouvoir absolu. Son sceptre était le symbole de son pouvoir et elle ne pouvait s’en séparer. Mais celui-ci avait disparu. Ajita, la jeune fille, m’apprit que sans ce sceptre, la reine serait contrainte de renoncer à son titre dès la cérémonie de pleine lune suivante.
La reine avait tout essayé : elle avait envoyé des troupes partout dans les moindres petits villages, dans les lieux les plus éloignés pour le retrouver, en vain... Après de nombreux échecs, elle avait chargé Ajita de le retrouver en lui confiant pour cela des objets magiques. Celle-ci avait pendant 20 longs jours récolté inlassablement toutes les informations possibles jusqu’à apprendre qu’il se trouvait dans notre monde. C’est là que je l’avais vu. Après m’avoir tout expliqué, elle me demanda de l’aider à mener à bien sa mission. Sans répondre à sa question je lui demandai si elle avait d’autres informations au sujet de ce sceptre. Elle me le dessina. Il me disait quelque chose il me semblait l’avoir déjà vu quelque part. Une idée me vint à l’esprit, je consultais régulièrement un blog d’historiens très intéressant, je pouvais peut-être poster un commentaire en demandant si quelqu’un savait où il se trouvait. C’est ce que je fis afin d’obtenir une réponse le plus vite possible car la prochaine pleine lune était malgré tout très proche. J’envoyai aussi à chacun de mes contacts un message demandant si ils reconnaissaient le dessin d’Ajita, que j’avais enregistré grâce à mon téléphone portable. Tout en continuant les recherches de mon coté je vérifiais régulièrement si quelqu’un m’avait répondu, en profitant pour faire plus ample connaissance avec mon invitée. J’étais resté des heures devant mon ordinateur aux cotés d’Ajita, passant de l’excitation, à chaque bip signifiant que j’avais reçu un message,au découragement en constatant que rien dans ces messages n’apportait aucune information digne d’intérêt. Nous commencions à désespérer quand soudain je reçus le message d’un éminent professeur, dont le nom m’était familier, pour avoir consulté plusieurs de ses ouvrages dans l’atelier de M. Bazire s’afficha à l’écran. Le professeur disait avoir reconnu le sceptre et affirmait qu’il se trouvait actuellement dans la ville de Cologne. Celle-ci accueillait en ce moment une exposition consacrée au civilisations disparues. Le musée se trouvait à deux heures d’ici en train.

Après deux longues heures de trajets nous arrivâmes enfin à destination. En entrant dans le musée nous n’eûmes aucun mal à repérer le sceptre. Je reconnus rapidement sur le manche du sceptre le symbole qu’Ajita avait dessiné peu après notre rencontre. La fermeture du musée allait bientôt arriver, elle me fit signe d’enlever mes chaussures pour marcher sans bruit.

Alors qu’un message retentissait dans le musée, pour annoncer la fermeture, nous nous cachâmes derrière un présentoir en bois vernis, pivotant autour du lourd meuble lorsque le gardien fit sa ronde pour diriger vers la sortie les derniers visiteurs .

Le veilleur de nuit passa à coté de nous sans nous apercevoir. Il retrouva mes chaussures et nous l’endentîmes marmonner « Il y a des gens vraiment étourdis, il faut quand même le faire pour oublier ses chaussures au musée ».

Dès qu’il fut parti, Ajita glissa la main dans la vitrine et prit le sceptre. Elle me regarda puis elle tourna d’un quart de tour un bijou en or, qu’elle portait au poignet et qui ressemblait à une montre. Soudain j’eus l’impression que l’air autour de nous se mettait à vibrer, puis il y eut comme un souffle ou une détonation. En basculant en arrière je me souviens m’être demandé pourquoi je n’avais entendu aucun bruit …

« Ça va mon garçon ? »
J’ouvrai les yeux pour découvrir un gendarme et le veilleur de nuit penchés sur moi. Un rapide coup d’œil à ma montre m’indiqua qu’il était environ 9h du matin.
« Pouvez-vous nous expliquer ce que vous faites ici ? »
Feignant la surprise et palpant la belle bosse occasionnée par ma chute, je répondis
« J’aimerais bien le savoir, j’ai peut être été assommé, suis-je accusé de quelque chose ? »
Après avoir vérifié le contenu de mon sac et demandé de vider mes poches, le gendarme me laissa partir, n’ayant rien à me reprocher. Il avait eu la confirmation de la part du gardien que rien n’avait disparu.

Encore un peu sous le choc et n’ayant pas de cours ce jour là, je choisis de passer la journée chez mes grands-parents retraités chez qui j’étais assuré de pouvoir trouver un peu de réconfort sans être harcelé de questions.

A l’issu de cette journée j’en vint à me demander si j’avais bien vécu cette histoire peu ordinaire ou si tout cela n’était que le fruit de mon imagination ? C’est seulement quelques jours plus tard que la question cessa de me hanter, lorsque je découvris dans ma boîte aux lettres une enveloppe qui semblait avoir traversé les âges. Elle contenait une lettre écrite en latin dont voici la traduction approximative

Cher Anatole,

Il me semble que je n’ai pas eu le temps de te remercier. Sache que je suis arrivée auprès de la reine avant la cérémonie de la pleine lune. Tu as sa reconnaissance éternelle. Au premier regard, tu me faisait penser à un garçon ayant peu d’assurance, ce qui m’as surpris lorsque tu as montré le courage et la grandeur d’âme dont tu as fait preuve durant les quelques heures que nous avons passé ensemble.
Sache que ces valeurs sont plus importantes dans mon monde que l’apparence, qui semble primordiale dans le tien. Je pense à toi souvent.

Merci pour tout.

Ajita (cela veut dire « victorieuse » dans ma langue)

Depuis ce jour je marche la tête haute, j’ai troqué mes lunettes contre des lentilles. J’ai même maintenant du succès avec les filles.