JAMBET Christian

France

2 mars 2016.
 
© C.Hélie / Éditions Gallimard

Biographie

Spécialiste du chiisme, Christian Jambet est né à Alger en 1949 et entretient depuis son enfance une relation particulière à l’arabe. Cette langue, il ne l’a pas apprise en Algérie, qu’il a quitté pendant la guerre, mais avec un ancien père blanc, à Paris. Il avait 23 ans, passait l’agrégation de philosophie et retournait « à la vie civile » après avoir été durant cinq ans l’une des têtes pensantes de la Gauche prolétarienne, cofondée avec son ami Benny Lévy qui n’allait pas tarder, lui, à retourner à l’étude du judaïsme et de l’hébreu.

En 1976, Christian Jambet publie L’ange avec Guy Lardreau, lance la Nouvelle Philosophie et inspire Bernard-Henri Lévy. Toutefois, l’événement crucial de son parcours a eu lieu avant : sa rencontre avec l’orientaliste Henry Corbin, en 1971-1972, après avoir lu En Islam iranien. En 1977, Henry Corbin l’emmène en Iran. C’est donc en intellectuel et non en croyant que Christian Jambet s’est tourné vers l’islam et le chiisme, a appris le persan, tout en continuant à enseigner la philosophie en khâgne au lycée parisien Jules-Ferry.

Sa soif d’idées et de spiritualité, il la partage, et transmet son savoir en tant que chargé de cours sur l’Islam à l’École supérieure de commerce de Paris, et en philosophie islamique à l’Institut d’Études Iraniennes (Université de Paris III-Sorbonne nouvelle). Il occupe la chaire de philosophie islamique qui fut celle de son maître Henri Corbin à l’École Pratique des Hautes Études. Ses recherches portent sur des auteurs sunnites ou chiites, de langue arabe et de langue persane ; il analyse « les formes de la liberté dans le chiisme ismaélien » et l’œuvre de Mollâ Sadrâ (L’acte d’être, Fayard 2002), un grand théologien du XVIIe siècle.

Principalement auteur d’essais, il a fondé la collection « Islam spirituel » aux Éditions Verdier. Qu’est-ce que le shî’isme ?, écrit en 2003 avec Mohammad-Ali Amir Moezzi, est un livre majeur qui arrache ce courant de l’islam à sa confiscation par les mollahs iraniens et à ses représentations effrayantes et médiatiques accentuées depuis 2001. Avec Qu’est-ce que la philosophie islamique ?, il cherche à lever le voile sur la singularité de cette pensée, trop souvent réduite aux philosophes « falâsifa », héritiers de la pensée grecque. Pour de nombreux penseurs en réalité, la rupture entre raison et révélation n’existe pas. Cette convergence sur les questions métaphysiques entre l’univers philosophique et religieux fait la particularité de la philosophie islamique, brillamment exposée par Christian Jambet.

Il publie cette année un nouvel essai : Le gouvernement divin : Islam et conception politique du monde aux éditions du CNRS, dans lequel il revient sur l’oeuvre du théoricien chiite Mullâ Sadrâ - oeuvre qui, dans son développement conceptuel, propose une alternative à l’interprétation dominante.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Le gouvernement divin : Islam et conception politique du monde

CNRS éditions - 2016

" Dieu est le souverain de l’univers parce qu’il est son créateur et il gouverne le monde terrestre par l’intermédiaire de ses prophètes dont le meilleur Mahomet ". Cet article de foi universellement reconnu en islam se prête à bien des interprétations. Ainsi, selon l’islam chiite, cette souveraineté divine est relayée sur la terre par les prophètes, mais aussi par les douze imams qui possèdent l’exclusivité de l’autorité politique et spirituelle après la mort de Mahomet. L’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique d’Iran, a prétendu fonder le pouvoir absolu du " savant en religion " sur le fait que ce savant serait le représentant des imams. Mais n’y aurait-il pas, en islam, une autre conception politique du gouvernement, une autre façon de fonder son pouvoir ? Le théoricien chiite Mullâ Sadrâ (1571-1641), dont l’oeuvre est ici étudié dans son développement conceptuel, propose en effet une alternative à l’interprétation dominante. Chez cet auteur, Dieu est toute chose, est présent en toute chose et son " trône " réside, non pas au-dessus de l’univers, mais dans le coeur du vrai fidèle, du savant éclairé. La religion devient un exercice spirituel d’intériorisation des sens cachés du Coran et un ensemble de savoirs qui visent à produire une liberté intérieure semblable à celle que connaît Dieu. Une quête impérieuse de la vie bienheureuse, antidote à tous les dogmatismes religieux.