Tout le programme 2005

Retrouvez le programme de l’édition 2005

8 juin 2006.
 

Du jeudi 10 au dimanche 13 février

Permettre à chacun de mieux percevoir, dans un esprit de tolérance et d’ouverture les évolutions de la littérature contemporaine, les débats d’idées qui l’agitent, les courants de sensibilité qui se font jour est le but premier du festival.
Rencontres, débats, lectures, “Cafés littéraires”, présentation des derniers livres des auteurs présents : les jardins du Palais de la Culture sont le lieu central d’Étonnants Voyageurs Bamako afin de faire le point sur l’actualité littéraire, tant des auteurs africains publiant en France que des auteurs publiant en Afrique. Une place particulière est réservée cette année aux auteurs africains publiés en Afrique et dont les livres, mal diffusés et mal distribués, ne franchissent pas les frontières de leurs pays d’origine.

CAFES LITTERAIRES ET DEBATS au PALAIS DE LA CULTURE

Révoltés par l’inertie des institutions internationales, dans les années 70, une poignée de médecins décident de s’impliquer dans les affaires du monde. “Médecins sans frontière : dans leur salle d’attente deux milliards d’hommes” : cette affiche déclenchera un extraordinaire mouvement de solidarité. Du Biafra à l’Afghanistan, du Cambodge au Rwanda, de l’Ethiopie à la Bosnie, partout où le monde se déchire ils partent soigner les victimes des combats sans distinction. Et ils choquent, dérangent, bousculent, quand ils entendent témoigner face aux atrocités auxquelles ils sont confrontés, bousculent les médias, en appellent à l’opinion publique contre le cynisme de la politique internationale. Une extraordinaire aventure humaine, qu’Anne Vallaeys fait revivre dans sa magistrale biographie. Mais aussi un formidable laboratoire d’idées, remettant en cause bien des certitudes, au contact du réel, mettant à mal les idéologies toutes faites : ainsi du colloque sur le tiers-mondisme, organisé par Liberté sans frontière en 1985, qui fit grand bruit - et continue de déranger...
Couronnée par le prix Nobel de la paix en 1999, la plus célèbre des ONG poursuit son aventure, avec la même exigence...

Les femmes, l’avenir de l’Afrique ? Elles en sont aussi le passé - un passé extraordinaire, oublié, enfoui, bien loin des images dans lesquelles une supposée tradition voudrait les enfermer, un passé que trois livres s’attachent à exhumer. Qui se souvient de cette reine sénégalaise, au XIXe mena bataille contre le général Faidherbe ? Des Amazones guerrières du Dahomey ? De Malan Alua, la “Messaline noire” du royaume Sanvi de Côte d’Ivoire ? De la régente Tassin Hangbé qui régna sur le royaume d’Abomey ? De la princesse malienne Salou ? Sylvia Serbin redonne vie à vingt-deux femmes en tous points exceptionnelles, résistantes, prophétesses, guerrières, victimes ou mères de héros ; Jacqueline Sorel, en une série de portraits nous invite à réévaluer la place de la femme africaine dans l’histoire du continent, de Lucy, la gracile des origines à Zaouditou, l’impératrice d’Ethiopie, en passant par Tin-Hinan, la mère des Touaregs, Nonquause, la prophétesse tragique, Bwanika, l’esclave maintes fois vendue et Yaa Asantiwa, l’âme de la résistance ashantie tandis que Zakya Daoud nous enchante avec l’extraordinaire histoire de Zaynab, la fondatrice de Marrakech. Enfin, Fatou Keita, dont on n’a pas oublié le beau roman Rebelle, fera le pont entre le passé et le présent : un moment fort à ne pas manquer !

Depuis toujours ce sont les écrivains, les artistes, qui nous donnent à voir l’inconnu du monde, nous en proposent les figures nouvelles, et ne nous les disent jamais mieux que lorsqu’ils les inventent, à travers contes, histoires, poèmes, films. En ce sens là, les artistes, écrivains, ou cinéastes, sont plus que jamais nécessaires - à un moment où le monde ancien bascule, et avec lui ce que nous pensions nos repères les plus assurés, tandis que surgit un nouveau monde, opaque, inquiétant.
Dire le monde aujourd’hui, se confronter à la tâche d’en dire l’indicible, c’est hélas le plus souvent en dire la violence, dénoncer sans relâche le mensonge, la corruption, l’oppression - et s’affronter à l’affolante énigme de l’inhumanité de l’homme...
Abdourhaman Waberi, dans un des plus beaux textes écrit sur la tragédie du Rwanda, des plus humbles, au plus près du témoignage, mais en même temps d’une rare puissance littéraire ; Roland Brival dans un roman fort et subtil hanté par la guerre en Irak, Helon Habila, sur la force du poème, malgré tout, au cœur des prisons nigérianes, Florent Couao-Zotti par une terrible charge contre la dictature, à travers un extraordinaire portrait de femme, sorte de Robin des bois, dans le tumulte du Bénin voué à l’oppression, au mensonge, à la corruption des gouvernants, relèvent magnifiquement le défi. Ce sont bien les artistes qui encore aujourd’hui nous disent le monde qui vient...

Étonnants Voyageurs à Bamako, c’est aussi découvrir chaque année de nouveaux talents, qui montrent la vitalité aujourd’hui des littératures africaines. Quatre premiers romans, quatre nouvelles voix, fortes et belles. Yasmina Traboulsi avec une évocation douloureuse et tendre de “la Place” - c’est à Bahia, mais ce pourrait être toutes les places, quand l’enfance s’éloigne, que les groupes se défont, qu’un monde s’efface tout doucement, nous laissant orphelins - Théo Ananissoh, jeune togolais vivant en Allemagne par un roman en forme de “retour aux sources ”, à Lisahohé - mais retrouve-t-on jamais ce qu’on a laissé ? - Zakya Daoud, qui fait revivre une femme hors du commun, Zaynab, la fondatrice de Marrakech ; Libar Fofana, enfui de Guinée en 1977, où son père croupissait dans la prison du Camp Boira, qui campe un personnage, Bakari, où il a mis beaucoup de lui même, retour incognito au pays natal comme un Ulysse africain, après quarante années... Quatre talents à découvrir !

Il nous avait enchanté avec La mort du roi Tsongor (Actes Sud), récit épique écrit dans une langue flamboyante, qui obtint le Goncourt des lycéens en 2001 - il vient d’obtenir le prix Goncourt pour Le Soleil des Scorta (Actes Sud), à croire décidément que les lycéens avaient un temps d’avance sur le jury des vénérables... Sa venue à Bamako nous fait un immense plaisir. Occasion rare d’une rencontre, occasion aussi de découvrir une autre facette de son talent : l’écriture théâtrale (Cendres sur les mains, Le tigre bleu de l’Euphrate, Pluie de cendres, Onysos le furieux, etc., tous chez Actes Sud). Et d’un dialogue, tant le théâtre est une tradition vivante en Afrique...

Voyages, regards, discours : ces trois termes déclinent le rapport à l’autre et son appréhension. Entre fascination de l’inconnu, exotisme, désir de découvertes, il importe de s’interroger sur les représentations de l’Afrique qui se tissent dans les relations de voyages, depuis le temps des explorations jusqu’à celui d’un certain nomadisme contemporain. Comment dire et écrire l’autre ? Quelles sont les modalités actuelles du voyage et de ses écritures ? Voici quelques-unes des interrogations qui seront abordées lors de cette rencontre.


  1. AU CENTRE CULTUREL FRANCAIS (Patio)

Et si l’écriture littéraire procédait toujours d’un d’exil ? “La plupart des écrivains africains francophones le sont devenus en France” déclarait récemment Boniface Boniface Mongo-Mboussa qui publie ces temps-ci une suite de son essai Désir d’Afrique : L’indocilité (Gallimard) mis qui sera malheureusement absent cette année à Bamako pour cause médicale. Exil du monde de l’enfance, que l‘on recrée et peut-être invente venu l’âge adulte, exil de l’émigration, exil d’un monde englouti avec le temps qui passe, mal-être d’être pris entre plusieurs cultures - quel écrivain ne sent pas peu ou prou étranger, et d’abord à lui même ? Abdelkader Djemai dans Le nez sur la vitre propose un récit émouvant sur le silence entre un père et un fils, - qui renvoie à la douleur du pays perdu, au silence creusé entre les générations issues de l’immigration, et à la part en chacun faite d’ombres et de silences. Tahar Bekri poursuit une œuvre poétique de grande ampleur hantée par l’absence du pays natal - mais aussi par l’appel de la mer, la nécessité de l’ailleurs. Yasmina Traboulsi fait entendre la complainte douce-amère de la “Place” où se rassemblait les enfants de Bahia la douce, Bahia qui se meurt et se vide, pur les grandes mégapoles inhumaines du Brésil moderne, Le Départ de Nimrod est le chant blessé d’une enfance au Tchad, prélude au départ. Quatre magnifiques variations sur le thème douloureux de l’exil...

La culture est au cœur de l’échange entre les hommes : cinéma et productions audiovisuelles, musiques et livres. Mais la mondialisation marchande bouleverse la donne, les impératifs de rentabilité économique obligent les industries culturelles à se concentrer, privilégiant une production standardisée destinée à la clientèle la plus large, définie à l’échelle mondiale. La logique des accords de commerce internationaux amplifie ce mouvement, remettant en cause jusqu’au droit des Etats à définir et mettre en œuvre leurs propres politiques culturelles. Il est urgent d’affirmer haut et fort que la culture n’est pas une marchandise comme les autres. L’enjeu : permettre aux publics les plus divers de continuer à accéder à la création intellectuelle et artistique la plus large possible et de donner aux artistes les moyens de leur libre expression. Faire en sorte que le droit international établisse la spécificité des biens et services culturels, reconnaisse l’égalité des cultures. Un avant-projet de convention sur “la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques” est en cours de rédaction à l’UNESCO dans ce sens. Mais les acteurs culturels nationaux doivent être extrêmement mobilisés pour que ce texte, soumis à l’approbation des délégations gouvernementales lors de la session de l’automne 2005, soit voté et que son contenu reste fort pour préserver effectivement la diversité culturelle mondiale...


  1. CONFERENCES à L’ENS et à l’ECOLE LIBERTE,

Elles porteront non seulement sur la littérature, mais aussi sur des thèmes scientifiques.

La nature des liens qui unissent la littérature au développement a souvent été étudiée et mise en question. Si le débat reste plus que jamais d’actualité, les circonstances ont cependant changé. Dans un monde où la mise en contact est croissante, les savoirs et les idées - comme les économies - se rencontrent. Uniformisation ou dévoilement de la diversité du monde ? Echange inégal, domination ou mutualisation des expériences ?
La littérature, lieu de savoirs et de transmission, peut apparaître comme un facteur de rééquilibrage et de dialogue possible. Une rencontre qui s’annonce passionnante, à l’occasion de la parution d’un nouveau numéro de Notre Librairie, revue dont on ne dira jamais assez le rôle capital dans la connaissance des littératures francophones...