JENNI Alexis

France

4 avril 2024.

Passionné par la biologie et agrégé de sciences naturelles, Alexis Jenni exerce d’abord en tant que professeur de sciences de la vie et de la Terre à Lyon. Il entame une carrière de romancier de manière tonitruante avec L’Art français de la guerre (Gallimard, 2011), un premier roman fascinant et très bien documenté qui rafle le prix Goncourt. Après J’aurais pu devenir millionnaire, j’ai choisi d’être vagabond (Paulsen, 2020) sur la vie de l’écologiste John Muir, puis Le Passeport de Monsieur Nansen (2022) sur celle de l’explorateur polaire champion de ski, il a choisit de raconter le destin du botaniste Francis Hallé. Bien plus qu’une simple biographie, Un naturaliste sur le toit de la forêt (Paulsen, 2024) est une ode au vivant, aux arbres et aux forêts.

 

Révélation de la rentrée littéraire 2011, Alexis Jenni remporte le Prix Goncourt avec un premier roman surprenant de maturité, L’Art français de la guerre, chez Gallimard. Un bel accomplissement pour cet ouvrage de plus de 600 pages, résultat de 5 ans de recherches et d’écriture. Pour Patrick Rambaud, jury du Goncourt, « C’est un roman naturaliste par sa méthode, musclé par son style, enlevé comme un chant, inspiré comme une méditation qui court sans jamais peser, atroce comme un procès verbal ».

L’Art français de la guerre est un roman aux multiples facettes qui résulte des diverses envies de son auteur, entre récit d’aventures et réflexion sur l’héritage des conflits coloniaux ; il oscille entre essai et épopée, fait se côtoyer descriptions brutes, limpides, et images plus poétiques qui appellent à la lecture. Le récit présent du narrateur qui voit la guerre du Golfe se dérouler sur petit écran est mêlé à celui, au passé, d’un ancien combattant de l’Indochine et de l’Algérie. Cette rencontre entre les deux personnages, et cet entrelacement temporel posent la question qui est la thèse de l’auteur : la France ne conduit-elle pas une seule et même guerre depuis 1945 ? Une réflexion qui entre en résonance avec les préoccupations actuelles et le débat sur l’identité nationale.

En 2017, il participe à un projet littéraire lancé par l’association Vrac, qui valorise l’alimentation bio. Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs donne la parole à 15 femmes du quartier de Vaulx-en-Velin à Lyon, venant de 15 pays différents, qui partagent leurs recettes et leurs histoires dans un très beau livre mêlant cuisine, dessin, photographie et texte.

Alexis Jenni signe un troisième roman la même année, La conquête des îles de la Terre Ferme, dans lequel un ancien compagnon de Cortès revient, au crépuscule de sa vie, sur ses souvenirs de la conquête de l’empire aztèque. Juan, que le conquistador appelle Innocent, s’embarque pour le Nouveau Monde vingt ans après l’arrivée de Christophe Colomb sur le continent américain, et suivra Cortès dans la prise de Mexico-Tenochtichlan en 1521. Alexis Jenni retranscrit, dans un registre pictural, la violence, le sang et les richesses. Il montre l’incompréhension mutuelle entre les deux civilisations mais raconte l’histoire du point de vue des vainqueurs, désenchantés, dépassés par les conséquences de leurs actions. Un roman documenté, aux facettes multiples, qui dépeint un pan mythifié de l’histoire du monde dans un style haletant, tout en proposant une réflexion sur le pouvoir, l’avidité et la religion.

Avec Forces infirmes, il met en exergue la dimension malsaine et presque fantomatique de la guerre d’Algérie. En mêlant deux récits, Alexis Jenni mène une réflexion profonde sur cet épisode de l’Histoire. Jean-Paul, appelé en Algérie, bascule avec brutalité dans un tourbillon de violence meurtrière. L’auteur nous relate son entrée dans des mouvements extrémistes, notamment l’Organisation de l’Armée Secrète, au sein de laquelle il s’adonne à des actes terroristes. Le récit effectue des allers et retours entre le début des années 1960 et aujourd’hui, donnant également à voir un Jean-Paul de presque 80 ans virulent, amer, en proie à ses démons et à ses souvenirs de guerre. Pour l’écrivain, la guerre d’Algérie s’apparente à un "noyau enkysté dans notre histoire contemporaine, qui dégage toujours un rayonnement maléfique malgré le sarcophage de béton dont on a tenté de le recouvrir".

En 2020, comme pour souligner la vie de la nature aujourd’hui en danger, il explore avec joie le parcours du philosophe et écrivain américain, père de l’écologie, John Muir. En mettant en lumière ce personnage atypique et antilibéral du XIXe siècle, l’auteur souligne implicitement les contradictions de nos sociétés contemporaines.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Témoignage

Je me souviens de la foulée de Marie-José Pérec (et autres madeleines sportives)

Seuil - 2024

À l’occasion des Jeux Olympiques de Paris, de grandes plumes de la littérature française chaussent les crampons pour raconter leurs souvenirs sportifs. De Pierre Assouline à Maylis de Kerangal, de Jean-Paul Dubois à Maria Larrea, JO ou les souvenirs d’enfance sous l’égide de Pérec.

LE LIVRE
À la manière de Georges Perec, les vingt-huit auteurs réunis dans ce collectif sportif pourraient débuter ainsi chacun de leurs textes : « Je me souviens du visage d’Hassiba Boulmerka lors de sa victoire à Barcelone en 1992 ; je me souviens de la reine du bronze Merlene Ottey, et comment parfois les vaincus sont victorieux ; je me souviens des reportages d’Antoine Blondin pendant les Jeux Olympiques ; je me souviens de l’exploit d’Alain Mimoun ; je me souviens de Christine Caron dit Kiki Caron, l’icône des bassins aux Jeux de Tokyo en 1964 ; je me souviens de Guy Drut et des haies enjambées ; je me souviens de Dick Fosbury, et de son saut révolutionnaire entre lévitation et vitesse ; je me souviens de la naissance au monde du géant Mohamed Ali et sa médaille d’or à Rome en 1960 ; je me souviens des Jeux de 1996 d’Atlanta, dans la ville de Coca-Cola ; je me souviens de la foulée merveilleuse de Marie-José Pérec sur 200 et 400 mètres ; je me souviens du drame de Munich ; je me souviens de la note 10 de Nadia Comaneci ; je me souviens de Hans-Gunnar Liljenwall, le pentathlonien tricheur ; je me souviens de Michael Jordan et la Dream Team de Basket-ball de 1992 ; je me souviens de Mark Spitz et de la nage papillon ; je me souviens, je me souviens, ou le sport refuge des souvenirs d’enfance... »

Un ouvrage coordonné par Benoît Heimermann (auteur et ancien grand reporter à l’Équipe) avec Kaouther Adimi, Nathacha Appanah, Pierre Assouline, Évelyne Bloch-Dano, Geneviève Brisac, Bernard Chambaz, Philippe Claudel, Bernard Comment, Philippe Delerm, François-Henri Désérable, Pierre Ducrozet, Jean-Paul Dubois, Éric Fottorino, Paul Fournel, Thierry Frémaux, Tristan Garcia, Jérôme Garçin, Jean Hatzfeld, Alexis Jenni, Maylis de Kerangal, Luc Lang, Marria Larrea, Lisette Lombé, François-Guillaume Lorrain, Blandine
Rinkel, Colombe Schneck, Larry Tremblay.