IGORT

Italie

23 mai 2012.
 

Biographie

© Igort, CR

Igort : un géant italien de la bande dessinée, activiste du 9e art à l’étoffe de grand reporter. Grand expérimentateur, souvent précurseur, Igort place l’innovation graphique au centre de son œuvre. Lorsqu’en 2002, avec ses copains Mazzucchelli et Dave McKean, il remet au goût du jour la bichromie dans la bande dessinée, Benoît Peeters, son éditeur chez Casterman, lui avoue qu’ils sont alors incapables de produire un tel livre. Souvent mené à produire ses bandes dessinées lui même, pour de nombreuses éditions, il n’en reste pas moins une référence internationale en matière de bande dessinée.

Après s’être imposé dans le polar, avoir exploré les mondes du jazz et des super-héros, Igort s’attaque à la bande dessinée de reportage. Dans la lignée d’amis dessinateurs comme Art Spielgman, il conçoit une bande dessinée centrée sur la témoignage. "Pour moi, la bande dessinée c’est un langage à part entière. Il y a une forte possibilité d’utiliser la bande dessinée comme forme de témoignage, comme forme de dénonciation, même comme véhicule politique et moral pour perler des vrais problèmes et donner la voix à ceux qui n’ont pas la parole normalement", déclare t’il dans une interview au Mouv’.

Cette volonté de dénoncer est au cœur de ses deux derniers livres, Les Cahiers ukrainiens et Les Cahiers russes. Igort part en 2009 pour un voyage de deux ans dans les pays de l’Est européen, sur les traces des vestiges de l’URSS. Le premier opus de ses Cahiers s’intéresse aux premières heures du socialisme en Ukraine, et le génocide par la famine qu’organise Staline dans les années 1930. Son deuxième tome prend ancrage dans le présent. Igort décide de poursuivre son voyage vers Moscou où il rencontre de nombreux amis d’Anna Politkoskaïa, journaliste contestataire assassinée dans son ascenseur en octobre 2006, puis vers la Tchétchénie où se déroule l’une des guerres les plus violentes et les moins médiatisées de l’histoire. Ces deux ouvrages d’une grande valeur testimoniale, vibrants de colère, sobres dans l’évocation du pire, se penchent avec beaucoup de sensibilité sur le grand corps malade de la Russie post-soviétique.


Bibliographie :


Présentation des Cahiers russes

couvertureAprès Les Cahiers ukrainiens (parus en juin 2010), Igort poursuit son reportage consacré aux pays de l’ex-URSS où, intrigué, il s’est rendu à maintes reprises ces dernières années.
Pour ce second tome, c’est à l’époque contemporaine qu’il s’est intéressé, et plus particulièrement à la Russie.
Délaissant cette fois les témoignages recueillis sur place, il part sur les traces d’Anna Politkoskaïa, menant une forme d’enquête, qui révèle un présent guère plus réjouissant que le passé : Poutine ayant bien intégré les méthodes de ces prédécesseurs…

Anna Politkovskaïa, militante des droits de l’Homme, journaliste à la « Novaïa Gazeta », a été assassinée dans l’ascenseur qui menait à son appartement moscovite, le 7 octobre 2006. Elle avait 48 ans. Elle est morte pour la vérité.
Igort écrit ce jour-là sur son blog, combien il a été choqué. « Une lumière importante pour la conscience russe s’est ainsi éteinte pour toujours. La brutalité d’une démocratie d’apparence, à laquelle les soviétologues ont donné le nom de « démocrature », a parlé.

Trois ans plus tard, après en avoir passé deux en Ukraine, Russie et Sibérie, Igort est devant l’ascenseur où Anna fut exécutée. En ce mois de janvier 2009, Stanislav Makerlov est tué, lui aussi. Il fut son ami et l’avocat des Tchétchènes à qui Anna souhaitait qu’il soit rendu justice. Àprès le meurtre d’Anna, Stanislav mit toute son énergie et sa vie en jeu pour parvenir à envoyer devant les tribunaux des « intouchables » impliqués dans sa disparition. Malgré les mises sur écoute, les filatures, les agressions physiques, les menaces de mort, il avait pourtant continué à mener son enquête pour Anna. Lui aussi est donc mort pour la vérité.
C’est grâce à eux deux, à partir de 2003, qu’on a commencé à savoir ce qui se pensait en Tchétchénie.
Les camps de filtrage (nouvelle dénomination des goulags ?) : « Bienvenue en enfer ! On en sort mort ou invalide ».
La zatchistra : l’opération de nettoyage visant à rechercher les terroriste tchétchènes, leurs armes, qui se traduit par l’arrestation intempestive d’innocents, femmes et enfants inclus, qui pour le plus grand nombre meurent sous la torture.
Les fosses de détention, creusées profondément dans le sol et fermées d’une planche en bois, où civils et soldats russes sont jetés des jours durant, mourant de froid, de faim, de soif, dans leurs excréments… Un colonel les montrera sans crainte, en toute connaissance de cause, à Anna !
Igort lit les écrits d’Anna, la « Novaïa Gazeta », des blogs d’anciens soldats russes, rencontre à Paris son amie et traductrice en français, Galia Ackerman. Il découvre les liens qui unissaient Anna et Alexander Litvinenko, l’ancien agent secret russe empoissonné au polonium et décédé en novembre 2006…

Grâce à lui, on apprend à connaître cette femme d’exception. Sa méthode de travail en tant que reporteur sur le terrain ; son rôle de médiateur dans la prise d’otages, en octobre 2002, au théâtre Doubrovska de mille spectateurs par un commando tchétchène, qui demande le retrait des forces russes de leur pays ; ses combats malgré menaces de mort et tentative d’empoisonnement ; sa force de caractère, son courage sans faille, son sens de l’honneur.
En partant sur les traces d’Anna, en resituant l’histoire du conflit tchétchène, Igort brosse le portrait de la Russie de ce début du XXIè siècle, celle de Poutine.

Revue de presse :