EFOUI Kossi

Togo

14 février 2018.

Pour ce dramaturge et romancier togolais exilé en France depuis 1992, et lauréat du Prix des cinq continents de la Francophonie en 2009, la parole est le signe incontestable de la liberté et de ce qui fonde l’humanité. S’il écrit l’Afrique, ce passeur de frontières ne veut pas être “assigné à résidence littéraire”. Son théâtre "apocalyptique", toujours entre rires et larmes, entre rêve et cauchemar est jouée sur les scènes européennes et africaines. Ce 5e roman puise dans sa langue poétique si caractéristique, d’une grande musicalité, pour porter la voix de femmes qui se transmettent, à travers les mythes et l’oralité, une liberté et un esprit de révolte contre l’Histoire et l’ordre du monde.

 

Pour Kossi Efoui, dramaturge et romancier togolais exilé en France depuis 1992, la parole est le signe incontestable de la liberté et de ce qui fonde l’humanité. Il est un passeur de frontières comme les poètes qui l’inspirent, un écrivain de l’Afrique, certes, mais qui ne veut pas être assigné à résidence littéraire. Il voit dans l’art une possibilité d’élargir notre champ de vision et écrit à la fois pour « être du côté de ceux qui déplorent », mais aussi pour dire son « appétit du monde ». Ses textes sont des "paquets de mots mêlés", tour à tour criés ou chuchotés dans une langue que salue Jean-Marie Gustave Le Clézio : « C’est une incantation, qu’on a envie d’entendre. C’est un magnifique exemple de ce que l’on peut faire en mélangeant la puissance orale du théâtre, et la force secrète et mystérieuse de la littérature écrite. »

Kossi Efoui est né en 1962 au Togo. Sa participation au mouvement étudiant des années 1980, durement réprimé par le régime du général Eyadéma, l’a conduit à se réfugier en France en 1992. Mais plutôt qu’ "exilé" ou "réfugié", il préfère se définir aujourd’hui comme "vagabond", terme qu’il juge plus subversif (« c’est contre les vagabonds, rappelle-t-il, qu’on a inventé les cartes d’identité »). Son œuvre est traversée par la question de l’exil, empreinte de ce choix douloureux, travaillée par l’ici et l’ailleurs. Mais Kossi Efoui estime avant tout que l’exil se situe au cœur même de l’acte d’écrire, en tant qu’effort vers la rupture et l’inédit.

Il se passionne tout jeune pour le théâtre et se consacre, après des études de philosophie, à l’écriture de pièces, jouées sur les scènes européennes et africaines.
En 1989, il reçoit le Grand Prix Tchicaya U Tam’si du Concours théâtral interafricain pour sa pièce Le Carrefour. Boursier de Beaumarchais en 1992, il est accueilli en résidence d’écriture dans plusieurs lieux comme la Maison des auteurs du Festival des Francophonies. En février 2010, l’Institut de Recherches en Etudes Théâtrales de Paris III-Sorbonne Nouvelle, en collaboration avec la Fondation DAPPER, organise un colloque international "Le théâtre de Kossi Efoui : une poétique du marronnage au pouvoir".
Son théâtre "apocalyptique" de marionnettes, toujours entre rires et larmes, entre rêve et cauchemar, où les personnages, sans plus de mémoire, sans souvenir, sans passé, s’agitent, adossés à la mort, fait penser, par sa force, à Samuel Beckett.

Déjà auteur de plusieurs nouvelles et d’un premier roman, La Polka en 1997, il est consacré comme une des grandes voix de la littérature africaine contemporaine en 2000 grâce à La fabrique des cérémonies. En 2008, Solo d’un revenant, son troisième roman, est récompensé par plusieurs prix (Prix Tropiques 2008, Prix Ahmadou Kourouma 2009, Prix des cinq continents de la francophonie 2009) et salué par Jean-Marie Le Clézio ainsi que par l’Haïtien Lyonel Trouillot en ces termes : « l’écrivain est celui qui signe chacune de ses phrases et chacune des phrases de ce roman est signée ».

Cantique de l’acacia est son cinquième roman. C’est aussi le premier qu’il écrit à la 3e personne, estimant que le « je » chez lui a une connotation trop masculine. En effet, ce sont les femmes qui parlent dans ce roman ; trois générations de femmes, Grace la grand-mère, Io-Anna la belle-fille et Joyce la petite-fille miraculée, qui se lient et transmettent leurs connaissances par la parole. Ce qui intéresse Kossi Efoui, c’est « le mouvement qui mène quelqu’un vers sa liberté » (L’Humanité), et c’est ce qu’il met en scène ici, avec des femmes dont la libération passe souvent par le pouvoir des mots. Dans une langue poétique, d’une grande musicalité, Kossi Efoui porte la voix de femmes qui ont su trouver le courage de vivre. Un roman envoûtant qui mène, par des chemins qui lui sont propres, à « questionner l’Histoire et l’ordre du monde » (Le Monde).


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Romans

Cantique de l’acacia

Seuil - 2017

L’enfant n’était pas encore née, mais Io-Anna s’était tatoué son prénom futur dans le bas du dos : Joyce. Et Grace, la belle-mère, devineresse, enchanteresse et guérisseuse, avait été visitée par une vision prometteuse.

"Confiance est le chemin de ce qui échappe au malheur." Cette parole, Io-Anna l’a laissée en dépôt auprès de Grace afin qu’elle soit transmise plus tard à Joyce. Car elle ne sait pas si elle aura le cœur à lui dire, elle-même, ce qu’elle a eu pourtant le cœur à vivre : comment, pour échapper à un ordre patriarcal honni, elle s’est enfuie sur un vélo, à travers la boue des marais, avec Sunday le colporteur qui deviendra plus tard le père de l’enfant ; comment la petite Joyce leur est arrivée, inanimée, sur un radeau flottant. "Il faut se mettre à trois pour faire un enfant, dit Grace, le mâle, la femelle et l’Invisible."

Au pied de l’acacia, l’arbre de l’innocence, un magnifique hymne au courage de vivre, porté par trois générations de femmes en révolte dans l’Afrique d’aujourd’hui.


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