BERTRAND Romain

France

10 mai 2020.

Essayiste littéraire, directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales (CERI, Sciences-Po), ce pilier de l’« histoire connectée » - visant à reconnecter les différentes histoires nationales - spécialiste des relations Orient-Occident, déconstruit les mythes issus de l’européocentrisme et fait découvrir d’un œil nouveau les grandes civilisations d’Asie du Sud-Est occultées par les dominations coloniales européennes. Grâce à sa prose poétique et sa capacité à rendre palpables les personnages historiques, il réussit à nous emmener dans ses enquêtes scientifiques de longue haleine. Son dernier ouvrage, Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan, revisite avec brio l’épopée légendaire de l’explorateur de l’Est. Tandis que L’Exploration du monde, une autre histoire des Grandes Découvertes, revisite les chronologies officielles au fil des 90 récits d’aventures proposés par 80 des meilleurs historien(ne)s de ces questions : défaire les mythes, donner à voir les échecs autant que les réussites, pour documenter d’autres voyages au long cours extra-européens, d’inclure amiraux ottomans, navigateurs chinois, interprètes nahuatls, pilotes arabes et aussi nombres de figures féminines dans le musée imaginaire de l’histoire globale…

 

Directeur de recherche à Sciences Po, il collabore un temps avec les revues Critique internationale et Raisons politiques, avant d’entrer au comité de rédaction des Annales. Spécialiste des relations Orient-Occident et de l’impérialisme dans l’histoire moderne et contemporaine, il s’attaque depuis plusieurs années à européocentrisme dans la recherche historique.


Bibliographie :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Qui a fait le tour de quoi ? L’affaire Magellan

Verdier - 2020

Imaginez une histoire, une belle histoire, avec des héros et des traîtres, des îles lointaines où gîtent le doute et le danger. Imaginez une épopée, une épopée terrible, avec deux océans où s’abîment les nefs et les rêves, et entre les deux un détroit peuplé de gloire et de géants. Imaginez un conte, un conte cruel, avec des Indiens, quelques sultans et une sorcière brandissant un couteau ensanglanté. Un conte, oui, mais un conte de faits : une histoire où tout est vrai. De l’histoire, donc.
Cette histoire - celle de l’expédition de Fernand de Magellan et de Juan Sebastián Elcano -, on nous l’a toujours racontée tambour battant et sabre au clair, comme celle de l’entrée triomphale de l’Europe, et de l’Europe seule, dans la modernité.
Et si l’on changeait de ton ?
Et si l’on poussait à son extrême limite, jusqu’à le faire craquer, le genre du récit d’aventures ? Et si l’on se tenait sur la plage de Cebu et dans les mangroves de Bornéo, et non plus sur le gaillard d’arrière de la Victoria ? Et si l’on faisait peser plus lourd, dans la balance du récit, ces mondes que les Espagnols n’ont fait qu’effleurer ? Et si l’on accordait à l’ensemble des êtres et des choses en présence une égale dignité narrative ? Et si les Indiens avaient un nom et endossaient, le temps d’un esclandre, le premier rôle ? Et si l’Asie - une fois n’est pas coutume - tenait aussi la plume ? Que resterait-il, alors, du conte dont nous nous sommes si longtemps bercés ?
La vérité, peut-être, tout simplement.