La force de la fragilité

Avec Samar Yazbek, Maram Al-Masri, Ananda Devi et Carmen Yanez

15 juin 2012.
 

Une rencontre chargée d’émotions avec Samar Yazbek, Maram Al-Masri,
Ananda Devi et Carmen Yanez

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le jour des caméléons

Grasset - 2023

Une île : Maurice, la narratrice du roman. Quatre personnages : un oncle las de la vie, sa nièce, unique lumière pour lui, une femme qui vient de quitter son mari, un chef de bande assoiffé de vengeance.
Une journée où tout va exploser : la cité, les haines, peut-être l’île. Enfin, d’étranges animaux qui attendent patiemment que les humains finissent de détruire ce qui leur reste – leur humanité, leur foyer – pour vivre seuls, en paix : les caméléons. Unité de lieu, de temps, d’action. Le compte à rebours est lancé, le drame peut commencer.
Mais reprenons. Le roman s’ouvre, la ville est à feu et à sang. Zigzig, le caïd meneur, tient dans ses bras une fillette ensanglantée. Les plus pauvres viennent de s’attaquer aux plus riches dans le centre névralgique de l’île : le shopping center, désormais en ruines. Au loin, un volcan gronde. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelques heures plus tôt, Zigzig partait avec les siens attaquer ses rivaux tandis que Sara regardait danser une femme libérée sur une plage abandonnée. L’île rembobine et nous raconte. On suivra tour à tour chacun des personnages jusqu’à ce que leur destin se mêle. On remontera aussi le cours de l’Histoire pour comprendre comment les peuples, les servitudes et les logiques du monde moderne ont saccagé cette terre de merveilles et divisé ses habitants.
Avec sa langue tour à tour tendre et ironique, tranchante et poétique, Ananda Devi nous emporte dans un roman impossible à lâcher pour nous plonger dans le chaos des hommes. Le destin est en marche. Mais dans cette histoire-là, ceux qu’on croit les plus féroces seront peut-être les seuls héros.


 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Elle va nue, la liberté

Bruno Doucey - 2013

Maram al-Masri est l’exilée d’un pays-blessure qui saigne en elle. Petite mère d’orphelins. Funambule toujours sur le fil entre tristesse et espérance. Je l’ai vue se vêtir du drapeau de son pays, incarnant la Syrie martyrisée ; glisser son portable sous son oreiller, ne plus respirer, ensevelie sous ses morts. Depuis que la révolution syrienne a éclaté, Maram guette chaque jour les vidéos sur Facebook ou YouTube. Ainsi sont nés les poèmes de ce recueil. Ils ne cherchent pas à apprivoiser les images de l’horreur, ils nous les donnent à voir. Là, une mère porte en terre son enfant. Ici, un enfant figé près du cadavre de ses parents. Et ces caisses de bois nu qui dansent, dansent… La journaliste que je suis s’incline devant cette incomparable puissance d’évocation. Ce carnet intime d’une douleur n’a pas fini de nous hanter.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

La demeure du vent

Stock - 2023

Ali, un soldat de l’armée syrienne de 19 ans, gît à quelques pas d’un arbre. Il a une vision, celle d’un enterrement. S’agit-il du sien ? Tandis qu’il reprend ses esprits, Ali se souvient : c’étaient les funérailles de son frère. Il y a un an peut-être.

Ali comprend alors qu’il a dû être blessé par une bombe et tente de localiser la douleur, d’identifier la blessure. Son désir le plus cher est de s’envoler jusqu’à l’une des branches de l’arbre. Les arbres ont toujours été son refuge, sa maison. Ils n’ont pas de secret pour lui. Là-haut, il serait également à l’abri des animaux sauvages après le coucher du soleil.

Tout en essayant péniblement de s’en rapprocher, Ali se remémore différents épisodes de sa vie, de sa naissance auréolée de mystère à la gardienne presque centenaire du sanctuaire de son village qui l’initie à leur foi ancestrale, jusqu’à son arrivée au poste de contrôle de l’armée où il est enrôlé de force.

Enfant silencieux et contemplatif, inadapté à l’école, Ali est d’une rare force et agilité. Sa sensibilité ainsi que son amour et sa profonde compréhension de la nature lui confèrent une aura presque mystique. Son chemin semblait tout tracé, menant ultimement au sanctuaire et aux arbres qui l’ont vu naître. Mais la guerre en a décidé autrement…

Dans La demeure du vent, Samar Yazbek explore avec force et poésie la puissance de la nature, et la vanité des hommes. Elle révèle la richesse de la foi alaouite et sa relation aux éléments. Au cœur du roman, un appel universel au retour à la terre au sens le plus primitif.

Un grand texte sur la beauté et l’âpreté de la vie.

Traduit de l’arabe (Syrie) par Khaled Osman et Ola Mehanna