Une étape capitale dans l’"Année Mondiale de la Fiction"

Les "États Généraux des littératures africaines"

Première traduction concrète de cet « effet de réseau » : la Word Alliance lance une « année mondiale de la fiction » (« World Writers’ Conference »). Celle-ci a débuté en Ecosse, dans le cadre du festival d’Edimbourg, du 23 au 26 août 2012, s’est prolongée du 14 au 16 septembre à L’International Literature Festival de Berlin, puis du 21 au 24 septembre à Capetown (Afrique du Sud) dans le cadre du festival Open Book (où Étonnants Voyageurs avait été invité à organiser deux journées de programmation), avant l’International Festival of Authors de Toronto du 18 au 28 octobre. Elle se poursuivra dans les autres festivals de l’Alliance tout au long de l’année ainsi que dans les festivals qui souhaiteront s’y associer.

Chaque débat de cette année mondiale de la fiction est introduit par une communication écrite d’un écrivain, à partir duquel les auteurs présents débattent du thème choisi. Le public, dans un deuxième temps, peut intervenir. Les débats, enregistrés, sont relayés tout au long de l’année par les autres festivals. Ensemble, ils représentent le plus vaste débat jamais lancé sur les enjeux de la fiction à l’orée d’un nouveau monde. Ils peuvent être suivis sur les sites des différents festivals (dont, bien sûr, celui d’Étonnants Voyageurs !) ainsi que sur le site du British Council.
Il était essentiel que les littératures africaines occupent toute leur place dans ce vaste dialogue : ce sera donc chose faite, pendant le festival à Brazzaville, qui du coup prend des allures « d’États généraux des littératures africaines ».
A la conclusion de ce tour du monde paraîtra un livre dans toutes les langues, le même jour, rassemblant les meilleures interventions.

Cinq débats majeurs sur une littérature africaine en pleine mutation

En 1962 se tinrent à Edimbourg des rencontres fameuses réunissant quelques-uns des plus grands écrivains mondiaux. Guerre froide, luttes anti-coloniales, débuts du structuralisme, le monde alors paraissait en pleine mutation... Cinquante ans plus tard la Word Alliance reprend les thèmes des débats de l’époque. Parce que nous sentons bien que le monde bascule – et que se repose la question du rôle de la littérature.

Et ça tombe bien : car la littérature africaine a été profondément marquée, jusqu’à une date récente, par les thématiques de ces années 60. Occasion unique de prendre la mesure du bouleversement récent qui agite le continent...

  • La littérature se doit-elle d’être politique ?

    Elle n’est jamais aussi vivante, la littérature, que lorsqu’elle s’attache à dire le
    monde. Mais est-elle politique, pour autant ? Longtemps, et particulièrement en ces années-là, elle aura été sommée d’être le porte-voix d’une cause. Mais nous savons mieux aujourd’hui les pièges de l’engagement : car la littérature peut mourir, de n’être plus que la servante des idéologies. Alors, politique, toujours ? Oui, mais d’une autre manière, qui transcende les idéologies...

  • Affaire de style avant tout, ou de contenu ?

    Affaire de style ? D’abord, il faudrait s’entendre : « avoir du style » ( savoir en somme les bonnes manières) n’a rien à voir avec avoir un style, une voix, un souffle, un ton à nul autre pareil. Sur ce double sens ont pu prospérer, au tournant des années 60, les idéologies formalistes (structuralisme, avant- gardismes divers) contre les littératures de l’engagement. Af- faire alors de contenu ? La littérature dit bien quelque chose : elle nous serait sinon indifférente. Mais elle dit quelque chose qui ne peut pas se dire autrement. Et c’est peut-être à partir de là que l’on peut reprendre le débat.

  • Y a t’il une « littérature nationale » ?
    Malheureux écrivains toujours sommés de se mettre au service d’une cause, d’un clan, d’une classe, d’un groupe ! A libération nationale, affirmation identitaire, et nécessité en somme, d’une littérature « nationale ». Mais quelle place encore pour le poète qui affirme, comme Rimbaud, que « Je est un autre » ? Qu’est écrivain celui qui éprouve que toute langue est étrangère ?
  • Les écrivains contre la censure ?
    Porteurs de libres paroles, ils sont bien souvent les premières victimes de la censure. Leur position « d’outsider » les rend particulièrement attentifs, et vulnérables. De censures, il en est d’évidente, brutales, mais d’autres bien plus subtiles, presque invisibles. Quelles sont les formes de la censure aujourd’hui de par le monde, et les moyens de les combattre ? En n’oubliant pas que l’exigence de la critique doit s’appliquer d’abord à soi-même, et que les intellectuels ont été aussi les complices de tous les totalitarismes, au long du XXè siècle.
  • L’avenir du roman
    Le roman, une forme dépassée, à l’heure d’Internet, des supports numériques, du multimédia, du temps de plus en plus court ? Peut-être exactement le contraire. Si nous allons vers un monde de migrations de plus en plus massives, voulues ou contraintes, alors chacun se retrouvera à terme devoir vivre simultanément plusieurs cultures, mis en demeure d’inventer le récit personnel qui les tiendra ensemble. Et cela vaut aussi pour les communautés en perpétuelles mutations – mais n’est ce pas exactement ce qu’opère le roman : un ensemble mouvant articulant dans un récit la singularité de multiples personnages pour en faire, au final, un monde ? Si cela est vrai, alors, au contraire, nous entrons dans un siècle romanesque...


    En savoir plus :
    - sur l’Année de la Fiction

  • sur la Word Alliance