Le corps est une carrière à mots et ses explorateurs assurent que là, sous la peau, il y a de quoi refaire la langue.
- © John Foley/POL
_ Pour Bernard Noël, à la fois romancier, essayiste, critique d’art et poète le corps et la peau se trouvent au fondement de l’acte littéraire et poétique. Tout son travail traduit cette investigation lyrique de l’organique corporel, où l’expérience du monde prend la forme d’une étreinte charnelle. Considéré comme l’un des écrivains les plus importants de sa génération, salué par Aragon, Mandiargues et Blanchot, son œuvre, immense par son engagement et son exigence, compte plus d’une cinquantaine de titres et de très nombreux livres d’artistes. Des textes d’une richesse et d’une diversité remarquable que les éditions POL ont décidé de reprendre dans une série de recueils dont le premier tome, Les Plumes d’Eros, consacré aux écrits érotiques du poète, paraît en 2010.
Né en 1930 dans une petite commune de l’Aveyron, Bernard Noël est élevé par ses grands-parents ; il suit des études en pension dans un collège religieux, puis au lycée à Rodez. Dévoreur de livres, il lit Jules Verne, La Pérouse et Robinson Crusoë, puis, Breton, Sartre, Choderlos de Laclos, Malcom Lowry et Faulkner. De ces lectures naît le désir d’écrire.
Après le lycée, Bernard Noël part à Paris étudier dans une école de journalisme qui côtoie le collège de philosophie où il assiste à la dernière conférence de Georges Bataille. C’est à cette époque qu’il fait ses premières tentatives d’écritures romanesques. Délaissant le journalisme il se plonge dans les textes surréalistes et part à la recherche des éditions originales sur les quais de la Seine.
Le premier livre signé Bernard Noël, Les Yeux chimères, paraît en 1953 chez l’imprimeur-éditeur Caractères. Son deuxième recueil de poésie, Extraits du corps est publié en 1958, et ce n’est que dix ans plus tard qu’il publie son troisième ouvrage, La Face de silence (1967). La publication de ces poèmes lui ouvre les porte de l’édition où il travaille comme lecteur, correcteur et traducteur.
La notoriété vient avec la réédition du Château de Cène chez Pauvert. Roman érotique d’une violence inouïe publié d’abord en 1969 chez un petit éditeur, cet ouvrage vaut à son auteur d’être l’un des derniers écrivains français à subir un procès pour outrage aux bonnes mœurs. Défendu par Robert Badinter, Bernard Noël a le soutien d’Aragon, de Frémon, de P.O.L, de Sollers, etc.
À partir de 1971, Bernard Noël prend la décision de se consacrer entièrement à l’écriture afin que "le vivre et l’écrire soient plus liés". Témoin de son époque, il compose ainsi une œuvre majeure, couronnée du prix national de la Poésie en 1992, une œuvre où s’exprime une révolte contre toute tentative de « sensure ».
Bernard Noël a reçu le Prix Ganzo 2010 pour l’ensemble de son oeuvre.
Aux éditions P.O.L.
- Les Plumes d’Eros, Œuvres I, 2010
- Les Yeux dans la couleur, 2004
- Un trajet en hiver, 2004
- Romans d’un regard, 2003
- La Peau et les Mots, 2002
- La Face de silence, 2002
- La Maladie du sens, 2001
- Treize cases du je, 1998
- La Langue d’Anna, 1998
- Le Reste du voyage, 1997
- Le Syndrome de Gramsci, 1994
- L’Ombre du double, 1993
- Journal du regard, 1988
- Onze romans d’œil, 1988
- La Reconstitution, 1988
- Portrait du monde, 1988
- Le 19 octobre 1977, Flammarion, 1979, rééd. 1998
Aux éditions Flammarion
- Les premiers mots, Flammarion, 1990
- La chute des temps, Flammarion, 1983
- Poèmes 1, Flammarion/Textes, 1983
- Treize cases du je, Flammarion, 1975
- Le Dictionnaire de la Commune, Hazan, 1971 (Flammarion, coll."Champs", 1978, 2 vol.)
- La face de silence, Flammarion, 1967 (Prix Artaud)
Aux éditions Gallimard
- Le Château de Cène, Jérôme Martineau, 1992, rééd. L’Imaginaire/Gallimard
- La Chute des temps, poésie/Gallimard, 1993
Aux éditions Unes, éditions de tête et éditions courantes
- Petit traité du tu, 1998. ill M. Latil
- Correspondances, 1998. ill. C. Reins et Fred Deux
- Vers Henri Michaux, 1998.
- Où va la poésie ? 1997
- La grille du temps, 1995. ill. Olivier Debré
- Le Lieu des signes, 1988. ill. J.J. Ceccarelli
- Extraits du corps, 1988. ill. G. Pastor
- Fenêtres fermées, 1987. ill. C. Deblé
- Carte d’identité, 1986. ill. C. Deblé
- Fables pour ne pas, 1985.ill. G. Pastor
- Fable pour le vent, 1985.ill. J.J. Ceccarelli
- La vieille maison, 1984. ill. Serge Plagnol
- A partir de la fin, 1984
- L’air est les yeux, 1982.ill. J. Voss
- Fable pour cacher, 1982. ill Serge Plagnol
Aux éditions Fata Morgana
- Le tu et le silence, Fata Morgana, 1998
- La rumeur de l’air, Fata Morgana, 1986
- L’été langue morte, Fata Morgana, 1982
- La moitié du geste, Fata Morgana, 1982
- D’une main obscure, Fata Morgana, 1980
- Le Château de Hors, Fata Morgana, 1979
- Une messe blanche, Fata Morgana, 1977
- À vif enfin la nuit, Fata Morgana, 1968
Chez d’autres éditeurs
- Magritte, 1998
- À côté de pourquoi, Æncrages & Co, 1995
- L’Espace du désir, l’Écarlate, 1995
- La Maladie de la chair, Petite bibliothèque Ombre, 1995
- La Castration mentale, Ulysse fin de siècle, 1994
- Écrit de la mer, Æncrages & Co, 1991
- La rencontre avec Tatarka, Talus d’Approches, 1986
- L ’enfer, dit-on…, Herscher, 1983
- Bruits de langues, Talus d’Approches, 1980
- Lecture du chilom, Brandes, 1977
- L’Outrage aux mots, Pauvert, 1975
- Extraits du corps, Minuit, 1958
- Les yeux chimères, Caractères, 1953
Présentation : Les Plumes d’Eros
Je travaille avec Bernard Noël depuis 1972, alors que je dirigeais la collection « Textes », chez Flammarion. Je pourrais dire qu’il m’a appris à lire, qu’il m’a appris à éditer. Aussi, après qu’il m’ait confié pour P.O.L dix-neuf autres de ses livres dont certains ont été repris de nos aventures passées, la parution ici du premier tome de ses œuvres, revêt-elle à mes yeux une importance toute particulière. Comme si quelque chose s’affirmait encore plus et se fixait d’un travail et d’une amitié qui ont traversé les années.
Ceci est donc le premier tome d’une série dont le but est de rendre compte de la diversité et de la richesse de l’œuvre de l’un des écrivains les plus importants de notre temps. Bernard Noël est en effet un poète, mais aussi un romancier, un reporter, un polémiste, un sociologue, un historien, un critique d’art. Chaque volume, centré sur une des thématiques de l’œuvre rendra aussi compte de cette grande diversité d’approche et de la non moins grande variété formelle des modes.
On l’aura compris, Les Plumes d’Éros reprend les écrits érotiques de Bernard Noël, part importante, voire déterminante de son travail puisqu’elle lui a permis – les textes réunis ici s’étalent sur cinquante ans – d’expérimenter très tôt les rapports qu’entretient le corps avec la langue, avec les mots, et à quel point la phrase, la pensée, les sens forment ensemble une réalité qui dépasse chacun des éléments qui la constituent.
Il y a dans ce volume des récits, des disputes et discussions, des poèmes, des essais, des textes aussi qui mélangent les genres et les subliment. Il y a, évidente et troublante, une écriture dont la sensualité donne à la pensée qui l’anime une présence et une épaisseur bouleversante alors même que l’humour comme la plus grande profondeur n’en sont jamais exclus.