Dernières nouvelles du sud « Nous sommes partis un jour vers le sud du monde pour voir ce qu’on allait y trouver. Notre itinéraire était très simple : pour des raisons de logistique, le voyage commençait à San Carlos de Bariloche puis, à partir du 42e Parallèle, nous descendions jusqu’au Cap Horn, toujours en territoire argentin, et revenions par la Patagonie chilienne jusqu’à la grande île de Chiloé, soit quatre mille cinq cents kilomètres environ. Mais, tout ce que nous avons vu, entendu, senti, mangé et bu à partir du moment où nous nous sommes mis en route, nous a fait comprendre qu’au bout d’un mois nous aurions tout juste parcouru une centaine de kilomètres. Sur chacune des histoires passe sans doute le souffle des choses inexorablement perdues, cet « inventaire des pertes » dont parlait Osvaldo Soriano, coût impitoyable de notre époque. Pendant que nous étions sur la route, sans but précis, sans limite de temps, sans boussole et sans tricheries, cette formidable mécanique de la vie qui permet toujours de retrouver les siens nous a amenés à rencontrer beaucoup de ces « barbares » dont parle Konstantinos Kavafis. Quelques semaines après notre retour en Europe, mon socio, mon associé, m’a remis un dossier bourré de superbes photos tirées en format de travail et on n’a plus parlé du livre. Drôles d’animaux que les livres. Celui-ci a décidé de sa forme finale il y a quatre ans : nous volions au-dessus du détroit de Magellan dans un fragile coucou ballotté par le vent, le pilote pestait contre les nuages qui l’empêchaient de voir où diable se trouvait la piste d’atterrissage et les points cardinaux étaient une référence absurde, c’est alors que mon socio m’a signalé qu’il y avait, là en bas, quelques-unes des histoires et des photos qui nous manquaient. » Luis Sepúlveda, avant-propos du livre La lampe d’Aladino et autres histoires pour vaincre l’oubli, Métailié 2009 Un petit commerçant palestinien débarque à Puerto Eden, au plus profond de la Patagonie chilienne. “Le Turc”, comme on l’a surnommé, explique sa conception des échanges à l’aide d’une très ancienne histoire phénicienne. Il s’appelle Aladino Guarib et donne son nom à ce recueil de nouvelles dans lesquelles Luis Sepúlveda tente de sauver de l’oubli des moments, des lieux et des existences uniques. C’est de la lampe d’Aladino que surgissent comme par magie des contes magistraux, de merveilleux romans miniatures, faits de personnages inoubliables et d’histoires comme Luis Sepúlveda en a le secret. On y retrouve, entre autres, le Vieux chasseur de jaguars et amateur de romans d’amour ou Butch Cassidy et Sundance Kid, une dame grecque d’Alexandrie, des poètes disparus et un hôtel aux confins amazoniens de l’Équateur, de la Colombie et du Brésil.