Un vrai pari que la réédition de cet ouvrage-phare, unique livre de poésie de l’auteur Waberi, pièce-maîtresse de son œuvre, composée principalement de romans. Les nomades, mes frères, vont boire à la grande ourse peut se lire comme un voyage dans le désert, explorant le silence et la puissance qui résonnent dans chaque mouvement du poème pour que vivent « les mots errants ». C’est dans cette immensité et ces paysages de sable que s’ancrent les rêves. Car, « le calligraphe chatouille / les sillons enflammés du désert / avec un bâtonnet d’encre bien délicat. » La malédiction et le recueillement poussent aux profondeurs de cet horizon où tout est à la mesure de l’humain. La beauté de ces courts poèmes et de ces vignettes se révèle dans la discrétion de la figure du nomade guidé par la lumière de l’étoile. Waberi montre le chemin de la sobriété et le refus du superflu. il y a dans ce livre quelque chose qui touche à l’essence comme si l’auteur ou le récitant, dépouillé de toute forfanterie, nous initiait au bonheur de vivre, de marcher ou d’écrire. L’auteur Abdourahman A. Waberi présente ainsi dans son prologue le recueil : Ces petits poèmes viennent de loin, certains ont vingt ans d’âge, d’autres quelques semaines. Composés entre 1991 et 1998 pour la plupart, des petits frères les ont rejoints tout récemment (Poèmes pour Tombouctou). Écrire de la poésie relève de la plus stricte nécessité. Je sème ces modestes cailloux avec parcimonie. En vérité, semer c’est beaucoup dire, car j’ai plutôt l’impression que ces poèmes viennent à moi quand ils veulent. Jaillis d’on ne sait où, ils semblent suivre le propre cycle de maturité. Discrets, secrets peut-être, se tenant à distance des moulins à la mode où se retrouve un peuple bavard, brasseur de marchandises. Ces mots se tiennent aux aguets. il leur arrive de prendre la poudre d’escampette par pudeur ou par habitude. nul ne s’égare dans le désert de la page.