Partout en Europe, et indépendamment des scandales qui les traversent, les Églises chrétiennes font face à des difficultés majeures et voient de plus en plus de fidèles déserter leurs rangs. On pourrait sans doute s’en réjouir. Après tout, la religion peut être perçue comme une force obscurantiste et réactionnaire, voire archaïque, un obstacle dressé face aux choix rationnels et aux élans émancipateurs de la modernité. Le célèbre sociologue Hartmut Rosa, lui, suggère une tout autre analyse et s’inquiète des effets de cette crise : que se passe-t-il quand la religion dans son ensemble n’a plus d’écho dans les sociétés démocratiques ? Que perd la société quand la religion n’y joue plus aucun rôle ? Quel est l’avenir d’une démocratie sans religion ? Est-il vraiment sage de renoncer au riche trésor du religieux ? Avec son acuité habituelle, Hartmut Rosa nous montre que cette situation de crise aiguë coïncide avec le triomphe d’un rapport instrumental au monde né à l’aube de la modernité capitaliste. Ainsi, ce que nous perdrions avec l’effacement de la religion, ce ne sont pas seulement une série d’histoires, de croyances ou de rituels, mais avant tout une capacité à entrer en résonance avec le monde, à le laisser venir à nous et à lui permettre de guérir des traumas que nous lui avons infligés.
Traduit de l’allemand par Isis Von Plato
- « Le sociologue formule ici les linéaments d’une sociologie de la religion, qui veut mettre en lumière la disposition anthropologique fondamentale qu’elle développe, une attitude faite d’écoute et d’attention. Face à une accélération sociale toujours plus vive et agressive pour les individus comme pour les sociétés, Hartmut Rosa estime que la religion développe une forme d’antidote, une manière d’être au monde permettant de délaisser les modalités de contrôle et de domination, qu’il résume par une formule biblique venant de la prière de Salomon : avoir « un coeur qui écoute ». » La Croix
- « Réagir à l’appel, à une musique, en faire quelque chose, se sentir vivant à cet endroit-là, c’est aussi, affirme-t-il, « ce que disent Bruno Latour, Corine Pelluchon, Andreas Weber et beaucoup d’autres ». Sauf que lui veut voir précisément dans la pensée religieuse « la mise en présence de relations de résonance ». L’intéresse, dans la pratique, un certain type de relation au monde. Si la société perd cela, nous dit Hartmut Rosa, « elle sera définitivement perdue ». Cet appel mérite au moins qu’on s’y arrête… » Télérama
- « Les novices y trouveront une synthèse de la pensée de Hartmut Rosa. Le résumé de cette architecture brillante, du diagnostic de « l’accélération » à la nécessité d’une « résonance » pour conjurer ses maux, occupe la grande partie de ce texte. Les initiés, eux, devront patienter jusqu’à la fin pour le voir entrer dans le vif du sujet : la religion comme « promesse de résonance verticale ». » Le Monde