“ Qu’est-ce donc, au fond, que le sport, sinon la lutte des forces au service de la Patrie ? ” Cette phrase de Eckart Hans von Tschammer und Osten, Reichsportführer de 1933 à 1943, caractérise bien le rôle du sport sous le IIIe Reich. Le culte du corps, ses perpétuelles mises en scène et mises à l’épreuve, font partie intégrante de l’idéologie nazie. Dans Les champions de Hitler, Benoît Heimermann explore l’histoire de ces athlètes et de ces aventuriers allemands qui, d’exploits physiques en surpassements de soi, ont joué les éclaireurs d’un régime lui-même obsédé de surenchère. Des alpinistes, des pilotes, des boxeurs, des footballeurs, des tennismen chargés de prendre les devants pour mieux anticiper des conquêtes autrement préjudiciables. Mais à l’image de Lutz Long battu par le noir américain Jesse Owens dans le cadre des Jeux de 1936, les Bernd Rosemeyer, Gottfried von Cramm, Ernst Udet, Heinrich Harrrer, et autres Max Schmelling ont tous échoué et failli, funestes messagers d’un avenir plus cataclysmique encore. Les portraits de ces héros, tour à tour glorifiés puis sacrifiés sur l’autel de la performance, donnent du régime nazi une autre perspective. Le sport tel que le définissait von Tschammer und Osten est, sans équivoque, un sport utile, codifié, instrumentalisé, fer de lance d’une pensée peu encline à composer avec l’aléatoire et à promouvoir les incertains.