Le temps des troubadours (préface) La poésie ne sert à rien. Elle est. Elle est le souffle, elle est la vie, elle est la douleur et le cri. Elle est la quête et le refus ; elle est l’amour, elle est la nuit, dans la mémoire des heures oublieuses ; Elle est les jours enfuis, en cavale dans le trou noir du temps. Elle est le sang et la blessure ; elle est la plaie de la félure, la lueur obstinée des horizons bouchés : le secret des âmes perdues... Elle est l’évidence de la finitude des choses, l’ici et maintenant des rêves brisés, la rôdeuse attardée, la petite voleuse, la pute hallucinée des nuits désenchantées qui met un peu de baume au coeur saignant de l’homme, et la parole éblouie de l’amour renaissant. La poésie ne sert à rien. Elle est la voix des opprimés ; le chant de révolte du monde ; la sourde rumeur des banlieues ; là où l’injustice commence, là où l’espoir malmené se débat dans la mémoire du siècle. Elle est l’oxygène du désir, la rage de l’urgence, l’appel désespéré d’un autre temps, l’injonction d’un ailleurs différent... La poésie ne sert à rien. C’est là sa force et sa grandeur. Son absolue nécessité.