Écrivain, romancier, philosophe et éditeur, Michel Le Bris est le directeur du festival Saint-Malo Étonnants Voyageurs. Né dans la baie de Morlaix en 1944, il est resté extrêmement attaché à ses terrains d’enfance qu’il évoque longuement dans le très personnel Un hiver en Bretagne (Nil éditions, 1996, Points Seuil) et vit encore aujourd’hui dans la région. Nécessaire enracinement pour un grand voyageur, et besoin de mer aussi : « Je suis né au bord de la mer, et je n’en aurai jamais fini avec elle. »
Parallèlement à des études d’économie (HEC), Michel Le Bris poursuit à Nanterre des études de philosophie, grâce auxquelles il rencontre Emmanuel Levinas, qui, avec Henry Corbin un peu plus tard, aura une grande influence sur l’évolution de sa réflexion. En 1967, il participe à la naissance du Magazine Littéraire, dans l’équipe rassemblée par Jean-Jacques Brochier, qui comprend également André Glucksmann et Raymond Bellour et prend la direction du mensuel Jazz Hot, qui jouera un rôle actif dans l’introduction du « free jazz » en France. Dans l’équipe qu’il rassemble alors : Patrice Blanc-Francard, rendu célèbre par les Enfants du rock, Philippe Constantin aujourd’hui disparu, grand directeur artistique (Jacques Higelin, Manset, les Rita Mitsouko, etc.) dont un prix Constantin de la chanson prolonge la mémoire, Daniel Caux, l’écrivain Yves Buin, Daniel Berger, Guy Kopelovici, ainsi que les photographes Philippe Gras et Horace.
Mai 1968 joue dans sa vie un rôle déterminant. Directeur du journal de la Gauche prolétarienne La Cause du Peuple il est incarcéré, condamné à huit mois de prison. Jean-Paul Sartre prend sa suite et l’affaire devient alors internationale : on ne peut pas incarcérer Sartre ! À sa sortie, il prend en main le journal J’Accuse lancé par la Gauche prolétarienne et un regroupement d’intellectuels. Dans le comité de rédaction : Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Maurice Clavel, Jean-Luc Godard, André Glucksmann, Jacques-Alain Miller, Jean-Claude Milner, Christian Jambet, Françis Bueb… S’il quitte rapidement le mouvement mao pour s’installer avec sa femme Eliane en Languedoc, il reste étroitement lié avec Maurice Clavel et Jean-Paul Sartre. Il crée avec ce dernier la collection La France Sauvage chez Gallimard, participe activement aux réflexions sur le totalitarisme alors engagées autour de Clavel, de Sartre et de Foucault.
Il participe à la création du quotidien Libération en 1973. S’il a déjà publié plusieurs livres (un Levi Strauss aux Editions Universitaires en 1970 sous le pseudonyme de Pierre Cressant, et quelques ouvrages dans la collection La France Sauvage, dont Les fous du Larzac en 1975) il fait paraître ce qu’il considère comme son premier vrai livre, L’homme aux semelles de vent, en 1977, premier manifeste pour une littérature aventureuse, qui propose une interprétation radicalement nouvelle du romantisme allemand — réflexion qu’il approfondira dans Le Paradis perdu (Grasset, 1981) et le Journal du romantisme (Skira, 1981) ce dernier ouvrage traduit en cinq langues, couronné par de nombreux prix. Une édition augmentée et intitulée Le défi romantique est parue en 2002 chez Flammarion.
Grand connaisseur de l’histoire de la conquête de l’Ouest, et de l’histoire de l’Amérique en général, Michel Le Bris y a consacré plusieurs ouvrages : un roman, Les flibustiers de la Sonore (Flammarion, J’ai lu, 1998), un récit de voyage, La Porte d’Or (Grasset, 1986) un essai historique, Quand la Californie était française (Le Pré aux clercs, 1999) un Gallimard-Découvertes, La fièvre de l’or, en 1988 et un récit de voyage dans les parcs naturels américains (L’Ouest américain, territoire sauvage, Le Chêne, 2005)... Il est également l’auteur, au côté de nombreuses éditions d’œuvres rares, de l’édition probablement la plus complète des journaux de Lewis et de Clarke (2 volumes : La Piste de l’Ouest, Le grand retour, Phébus, 1993)
Spécialiste de Stevenson, il lui a consacré une monumentale biographie (Les années bohémiennes, NiL éditions, 1994) un essai (Pour saluer Stevenson, Flammarion, 2000) et a édité chez divers éditeurs la quasi-totalité de son œuvre (dont de nombreux inédits en langue anglaise !) et notamment ses Essais sur l’art de la fiction (Payot Poche, 1992) ainsi qu’une édition de sa correspondance avec Henry James (Une amitié littéraire, Payot Poche, 1994).
Éditeur aux éditions Phébus de la quasi-totalité des grands classiques de la flibuste, il a publié aux éditions Hachette littérature le premier tome de son histoire de la flibuste : D’or, de rêves et de sang (nouvelle édition revue et corrigée en Hachette Pluriel, 2004.) Il a également consacré plusieurs ouvrages à la Bretagne.
Directeur de l’Abbaye de Daoulas de 2000 à 2006, il y organisera de grandes expositions accompagnées d’albums-catalogues publiés aux éditions Hoëbeke : Indiens des plaines, Pirates et flibustiers des Caraïbes, Les mondes Dogon, Fées, elfes, dragons et autres créatures des mondes de féerie, Vaudou, L’Europe des Vikings, Rêves d’Amazonie, Visages des dieux, visages des hommes : masques d’Asie...
En 1990, exaspéré par les modes littéraires occupant alors le devant de la scène en France, décidé à défendre l’idée d’une littérature résolument « aventureuse, voyageuse, ouverte sur le monde, soucieuse de le dire » il crée la revue trimestrielle Gulliver, mobilise ses amis écrivains français et étrangers, multiplie les collections (Phébus, Payot, la Table Ronde) lance en France le mouvement des « écrivains voyageurs », propose en 1992 le terme de « littérature-monde », fait découvrir Nicolas Bouvier, dont il devient l’éditeur, mais aussi Redmond O’Hanlon, Anita Conti, Ella Maillart, Patrick Leigh Fermor, Norman Lewis, Jonathan Raban, Colin Thubron, Edward Abbey, Peter Matthiessen, des dizaines d’autres — plus de 400 ouvrages édités en l’espace de 15 années ! Il crée cette même année (avec Christian Rolland, Maëtte Chantrel et Jean-Claude Izzo qui sera pendant des années l’attaché de presse de la manifestation) le festival Étonnants Voyageurs à Saint-Malo. Plusieurs éditions du festival se font par la suite lancées à l’étranger : à Missoula (Montana, USA), Dublin, Sarajevo (avec le Centre André Malraux), Bamako, Port-au-Prince (Haïti), Haïfa, Brazzaville, Rabat.
En 2007, dans le droit fil de l’idée de la littérature défendue par Étonnants Voyageurs, il est, avec Jean Rouaud, Anna Moï, Alain Mabanckou, et Abdourahmane Waberi, à l’initiative du « Manifeste pour une Littérature-Monde » réunissant quarante-quatre écrivains du monde entier écrivant dans une même langue : le français. Il dirige avec Jean Rouaud la publication de Pour une Littérature-Monde chez Gallimard regroupant vingt-cinq textes qui prolongent le débat engagé avec le Manifeste.
En septembre 2008, Michel Le Bris publie aux éditions Grasset un roman sur les cinéastes-aventuriers Martin et Osa Johnson, stars des années folles à la poursuite de La beauté du monde, qui est finaliste du prix Goncourt. S’en suit en 2008 un album riche de 140 reproductions, N.C. Wyeth, l’esprit d’aventure, consacré à celui qu’il tient pour le plus grand artiste de l’histoire de l’illustration, puis en 2009 Nous ne sommes pas d’ici (Grasset) en forme « d’autobiographie intellectuelle », en 2010 un Dictionnaires amoureux des explorateurs (Plon) et, à la suite d’une série de 25 émissions dans l’été sur France-Culture, menées avec Patrice Blanc-Francard, un ouvrage chez Naïve sur les années 1920 et la folle liberté qui emporta le pays dans un tourbillon de musique et de danse : Les Années jungle.
En mai 2011, il publie chez Gallimard le premier roman qu’écrivit Robert Louis Stevenson, La Malle en cuir ou La Société idéale, resté jusqu’à ce jour à l’état de manuscrit et qu’il avait découvert dans une bibliothèque californienne. Manquaient les derniers chapitres, que Michel Le Bris, en forme de jeu et d’hommage, s’amuse à prolonger. Après ce retour à ses premiers amours littéraires, Michel Le Bris livre à la fin de 2011 un nouvel ouvrage, Rêveur de confins,(André Versaille éditeur) où il fait l’inventaire de ses passions, du jazz à la recette du cul de veau à l’angevine, de sa Bretagne natale à ses amis : un ensemble de fragments sur lequel s’est construit l’écrivain.
Auteur en 2017 du manifeste « Nous sommes plus grands que nous » paru dans le « 1 » d’Eric Fottorino et signé par 60 écrivains, il revient avec Kong, un grand roman d’aventure et de passion qui nous livre une gigantesque fresque sur l’entre-deux guerre et le cinéma où l’on croise Roosevelt, Lindbergh, les frères Warner et une foule d’inconnus pittoresques et attachants.
Avec Pour l’amour des livres, Michel Le Bris se confie sur ce qui fait toute la beauté des mots. Cette ode à la littérature est un acte de remerciement, une façon de faire honneur à tous les livres qui, d’une façon ou d’une autre, se sont immiscés dans nos vies pour finalement faire partie de nous. Animé par une véritable "rage de lire", l’auteur insiste sur le caractère vital et salvateur de la littérature.
Bibliographie
- Pour l’amour des livres (Grasset, 2019)
- Kong (Grasset, 2017)
- La Malle en cuir ou La Société idéale (Gallimard, 2011)
- Rêveur de confins (André Versaille, 2011)
- La Malle en cuir ou La Société idéale, un roman de Robert Louis Stevenson achevé par Michel Le Bris (Gallimard, mai 2011)
- Les Années jungle (Naïve, 2010)
- Le dictionnaire amoureux des explorateurs (Plon, mai 2010)
- Nous ne sommes pas d’ici (Grasset, 2009)
- L’esprit d’aventure, N.C. Wyeth (Hoëbeke, 2008)
- La beauté du monde (Grasset, 2008)
- Pour une littérature-monde (Gallimard, 2007)
- Visages des dieux Visages des hommes : Masques d’Asie (Hoëbeke, 2006 - ouvrage collectif)
- Rêves d’Amazonie (Hoëbeke, 2005 - avec Pascal Dibie)
- D’or, de rêves et de sang (Hachette-Pluriel, 2004)
- L’Europe des Vikings (Hoëbeke, 2004 - avec Claudine Glot)
- Vaudou (Hoëbeke, 2003 - ouvrage collectif)
- Fées, elfes, dragons et autres créatures des mondes féériques (Hoëbeke, 2002 - ouvrage collectif)
- Les mondes Dogon (Hoëbeke, 2002 - ouvrage collectif)
- Bretagne du monde entier (National Géographique, 2002)
- La Cuisine des flibustiers (Phébus, 2002 - avec Mélani Le Bris)
- L’Aventure de la flibuste (Hoëbeke, 2002)
- Le défi romantique (réédition Flammarion, 2002 de Le Journal du romantisme)
- Mondes Blancs (J’ai Lu, 2001)
- Les flibustiers de la Sonore (J’ai lu, 2000)
- Etonnants voyageurs (Hoëbeke, 2000 - avec Jacques Chambon)
- Pour saluer Stevenson (Flammarion, 2000)
- Baie de Morlaix (Apogée, 1999)
- Quand la Californie était française (Pré aux Clercs, 1999)
- Un hiver en Bretagne (Nil éditions, 1996)
- Le grand dehors (Payot, 1992)
- La fièvre de l’or (Gallimard, 1988)
- La porte d’or (Grasset, 1986)
- Le Journal du romantisme (Skira, 1982 ; Flammarion, 2002)
- Le paradis perdu (Grasset, 1981)
- L’homme aux semelles de vent (Grasset, 1977 - Payot, 2006 ré-édition)